top of page
  • Facebook @OfficioAvocats
  • Twitter @Officio_avocats
  • Instagram @officio_avocats
  • LinkedIn @officio-avocats
  • YouTube  Officio Avocats
  • Facebook @OfficioAvocats
  • Twitter @Officio_avocats
  • Instagram @officio_avocats
  • LinkedIn @officio-avocats
  • YouTube  Officio Avocats

153 éléments trouvés pour «  »

  • Les autorisations spéciales d'absence : avant, pendant et après le confinement

    Définition Une autorisation spéciale d’absence (ASA) est une forme de « congé exceptionnel » accordé aux fonctionnaires pour différents motifs. Elle peut notamment être octroyée à titre syndical, pour participer aux commissions paritaires et aux organismes statutaires ou en raison d’événements familiaux affectant l’agent. Les différentes ASA possibles Les différentes ASA qui peuvent être accordées aux fonctionnaires et agents de la fonction publique « par mesure de bienveillance » ont été répertoriées dès une instruction n°7 du 23 mars 1950 pour l'application des dispositions du statut général des fonctionnaires relatives aux congés annuels et autorisations exceptionnelles d'absence. Le texte distinguait ainsi : Les ASA de droit : o Pour participation aux travaux des assemblées publiques électives ; o Pour participation aux travaux des organismes professionnels ; Les ASA facultatives : o Pour évènements de famille - Mariage du fonctionnaire - Décès ou maladie très grave du conjoint, des père, mère et enfants o Pour prendre part à des congrès ou assemblées générales d’organismes professionnels ou mutualistes Les ASA accordées aux fonctionnaires cohabitant avec une personne atteinte de maladie contagieuse o Variole, o diphtérie o et méningite cérébro-spinale. Le texte précisait également qu’en dehors des cas évoqués, il ne devait pas y avoir d’autres ASA à prévoir (exemple : pour cures thermales ou allaitement). Depuis, le champ des ASA s’est considérablement élargi, à travers de nombreuses circulaires puisque l’on relève près de 25 motifs d’ASA (cf. le Vade-mecum de la circulaire du ministre de l’éducation nationale, n° 2017-050 MEN du 15-3-2017 parue au BO de l’éducation nationale n°11 du 16 mars 2017 sur les autorisations spéciales d'absence, qui en dresse une liste quasi-exhaustive). Cet élargissement pourrait notamment trouver son explication dans la nécessité d’adapter le droit aux changements et aux avancées que connaît la société française (par exemple : les ASA pour sportifs de haut niveau, pour PACS, pour préparation à l’accouchement ou pour PMA). Il convient également de relever que l’ASA est également sortie du simple cadre règlementaire et a trouvé une place au sein de l’article 21 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « II.- Les fonctionnaires en activité bénéficient d'autorisations spéciales d'absence liées à la parentalité et à l'occasion de certains évènements familiaux. Ces autorisations spéciales d'absence n'entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels, à l'exception de celles prévues au deuxième alinéa du présent II. Les fonctionnaires bénéficient, de droit, d'une autorisation spéciale d'absence de cinq jours ouvrables pour le décès d'un enfant. Lorsque l'enfant est âgé de moins de vingt-cinq ans ou en cas de décès d'une personne âgée de moins de vingt-cinq ans dont le fonctionnaire a la charge effective et permanente, cette durée est portée à sept jours ouvrés et les fonctionnaires bénéficient, dans les mêmes conditions, d'une autorisation spéciale d'absence complémentaire de huit jours, qui peut être fractionnée et prise dans un délai d'un an à compter du décès. Un décret en Conseil d'État détermine la liste des autorisations spéciales d'absence et leurs conditions d'octroi et précise celles qui sont accordées de droit. » La question des ASA « covid-19 » La crise sanitaire causée par l’épidémie mondiale de Covid-19 a posé de nouveau la question de l’origine juridique et de l’encadrement des ASA. En effet, le coronavirus n’est pas au nombre des pathologies précisément envisagées par les circulaires précitées. Certes, l’instruction ministérielle du 23 mars 1950 susvisée, toujours appliquée, qui prévoit deux ASA accordées de droit aux personnes cohabitant avec des personnes atteintes de certaines maladies contagieuses, limitativement énumérées : variole, diphtérie et méningite cérébro-spinale, avait laissé la porte ouverte à d’autres types d’épidémies en indiquant que « s’il s’agissait d’une maladie exceptionnelle en France (choléra, typhus, peste, etc.), les intéressés seraient soumis aux mesures spéciales qui pourraient être prescrites en pareil cas ». C’est la position qu’a adopté la DGAFP dans sa note du 27 février 2020 intitulée « Menace sanitaire grave - épidémie - Situation de l’agent public au regard des mesures d'isolement. » Cette note précise simplement que dans l’impossibilité de mise en place d’un télétravail, l’agent doit être placé dans une position régulière, et qu’il convient donc de lui octroyer une ASA « sur le modèle de l’autorisation spéciale d’absence pour les agents publics cohabitant avec une personne « atteinte de maladie contagieuse, et qui porteurs de germes contagieux, doivent être éloignés de leurs services » prévue par l’instruction du 23 mars 1950 ». Cette première note a fait l’objet d’une précision par la DGAFP dans sa « Fiche relative aux modalités d'organisation du travail dans la fonction publique dans le cadre du stade 3 », laquelle prévoit de manière généralisée la mise en place d’ASA dans l’hypothèse dans laquelle un agent ne peut télétravailler et dont l’activité n’a pas à être nécessairement maintenue (et plus uniquement pour les agents cohabitant avec des personnes atteintes du Covid-19). La question des ASA après le confinement Jusqu’à la fin du mois de mai, les agents devant garder leurs enfants de moins de 16 ans pouvaient être placés en ASA « covid-19 » par l’administration, s’il ne leur était pas possible de télétravailler. A compter du 2 juin, les ASA « covid-19 » ne sont plus ouvertes. Le principe est que les agents doivent de nouveau travailler (en télétravail ou en présentiel) et que leurs enfants doivent réintégrer les crèches et les écoles. Toutefois, en pratique, nombre d’établissements scolaires et de crèches n’ont pas rouvert ou n’ont pas la possibilité d’accueillir tous les enfants. Aussi, certains agents sont contraints de garder leurs enfants de moins de 16 ans. Il ressort ainsi de communications ministérielles (Foire aux questions du 3 juin 2020 du Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse) qu’en pareil cas, sous réserve de fournir à l’administration une attestation de non prise en charge de l’enfant par l’établissement scolaire, les agents concernés pourront être placés en télétravail, ou s’il est impossible, en ASA pour garde d’enfant. Il s’agit donc du retour au « régime normal » des ASA pour garde d’enfant. En revanche, les agents qui souhaitent garder leurs enfants de moins de 16 ans, alors même que ceux-ci sont susceptibles d’être accueillis par l’école ou la crèche, devront poser des congés/RTT, accordés sous réserve des nécessités de service. Une incertitude persiste cependant : nombre d’établissements scolaires, centres aérés et garderies ne rouvriront pas leurs portes avant le mois de septembre. Or, les ASA pour garde d’enfant étaient en principe plafonnées à 15 jours par année civile (voire 28 jours dans certains cas très exceptionnels). Aussi, se pose la question de savoir combien de temps les agents pourront prétendre au bénéfice de ces ASA pour garde d’enfant « post-confinement ». Enfin, l’épidémie circulant encore sur le territoire français, une liste de 11 critères pathologiques a été définie par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) (exemple : antécédents cardiovasculaires, diabète insulinodépendants, insuffisants respiratoires chroniques, …) afin de définir les personnes à considérer comme « vulnérables » face au Covid-19. Aux termes de la note DGAFP relative au stade 3 de l’épidémie, les agents remplissant un ou plusieurs de ces critères, après déclaration auprès de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, sont exclus du travail en présentiel. Ils doivent donc être placés en télétravail, ou dans l’impossibilité en ASA.

  • Covid-19 : primes exceptionnelles dans la fonction publique

    Largement annoncée, prévue par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, une prime exceptionnelle va pouvoir être versée à certains agents des trois fonctions publiques en raison de leur implication dans la gestion de la crise sanitaire. Deux premiers décrets sont parus au Journal Officiel du 15 mai 2020 concernant deux primes, l’une pour la fonction publique hospitalière, l’autre pour les fonctions publiques d’État et territoriale. Un décret spécifique était attendu pour les personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux, qui n’est paru qu’au Journal Officiel du 13 juin 2020. Entre temps, un décret paru au Journal Officiel du 10 juin 2020 est venu apporter des modifications à la prime spécifique pour la fonction publique hospitalière. Cet article, initialement consacré aux deux premières primes, a été entièrement remis à jour le 22 juin 2020 pour intégrer les modifications du décret du 8 juin 2020 mais également la prime destinée aux personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux. On distingue donc trois primes différentes, chacune régie par son propre décret : Une première pour les personnels des établissements publics de santé (et services de santé des armées), régie par le décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 modifié relatif au versement d'une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l'Institution nationale des invalides dans le cadre de l'épidémie de covid-19 ; Une deuxième destinée à certains agents des deux autres fonctions publiques (État et territoriale), régie par le décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d'une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; Une dernière prime spécifiquement dédiée aux personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux des trois fonctions publiques, régie par le décret n° 2020-711 du 12 juin 2020 relatif au versement d'une prime exceptionnelle aux personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique de l'Etat dans le cadre de l'épidémie de covid-19. La prime « Covid-19 » dans la fonction publique hospitalière (et assimilée) Le décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 prévoit deux primes. L’une de 1500 euros, l’autre de 500 euros, selon un élément géographique : le décret prévoit une annexe de deux ensembles de départements qui régit la différence entre les deux primes. D’autres conditions et modalités d’application sont également prévues. Attention : cette prime n’est pas applicable aux personnels des EHPAD et unités de soin de longue durée, même rattachés à un centre hospitalier : une prime spécifique leur est dédiée par un décret du 12 juin 2020 (voir ci-après). Bénéficiaires (article 1er) Sont concernés : Les agents publics des établissements publics de santé (au sens des articles L. 6141-1 et suivants du code de la santé publique, c'est-à-dire les centres hospitaliers) ceux des comités de protection des personnes (article L. 1123-1 du code de la santé publique), des groupements de coopération sanitaire et groupements d'intérêt public (article L. 6131-2 du code de la santé publique), en service effectif, dès lors qu’ils ont été « mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire » ; Les étudiants en 2e et 3e cycle de médecine, odontologie et pharmacie et les étudiants de 2e cycle de maïeutique qui ont accompli leur stage durant l'état d'urgence sanitaire en dehors d'un établissement public de santé (précision n° 1 : l'ancienne version du décret ne visait, pour les stagiaires en dehors des centres hospitaliers, que les étudiants en médecine. Le nouveau texte ouvre également à d'autres étudiants) (précision n° 2 : les internes en stage au sein des établissements publics de santé étant des agents publics, ils sont comptés parmi les agents publics de ces établissements et peuvent bénéficier de la prime à ce titre) ; Les agents publics civils en service effectif et les militaires des hôpitaux des armées ou de l’Institution nationale des Invalides (et ceux de ces institutions mis à disposition des autres établissements publics de santé) ; Les militaires qui ont été appelés temporairement à servir dans un hôpital des armées ou pour armer un élément mobile du service de santé des armées dédié à la lutte contre le coronavirus. Sont toutefois expressément exclus les agents : Des unités de soins de longue durée (article R. 6145-12, 2° du code de la santé publique) ; Des "établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale", c'est-à-dire des EHPAD (article L. 312-1, I, 6° du code de l'action sociale et des familles). On peut s'étonner de cette précision : le gouvernement indique, dans la notice du décret modificatif du 8 juin 2020, avoir précisé ce point pour que "les agents exerçant dans les unités de soins de longue durée et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ne relèvent plus des dispositions du décret du 14 mai 2020". Pourtant, cette précision semblait inutile dès lors que les EHPAD ne sont pas des établissements publics de santé au sens de l'article L. 6141-1 du code de la santé publique, et qu'ainsi leurs agents étaient déjà exclus du dispositif dans l'ancienne version du décret. Période concernée et durée minimale d’exercice (article 2) Les bénéficiaires doivent avoir exercé leurs fonctions, y compris en télétravail : Entre le 1er mars et le 30 avril 2020 ; Pour les militaires désignés pour armer un service mobile : entre le 24 mars au 30 avril 2020. Par ailleurs, doivent avoir travaillé, au cours de la période, au moins 30 jours calendaires équivalents à un temps plein ou complet (y compris, sur attestation, dans plusieurs établissements différents) : Les agents civils contractuels ; Les étudiants médicaux et paramédicaux contractuels ; Les élèves officiers de carrière des écoles du service de santé des armées non encore admis à accomplir leur deuxième cycle ; Les élèves de l’école du personnel paramédical des armées. Doivent avoir travaillé au mois 5 demi-journées par semaine en moyenne au cours de la période (y compris, sur attestation, dans plusieurs établissements différents) : Les personnels des centres hospitaliers exerçant à la fois des fonctions hospitalières et d’enseignement ; Les étudiants en santé de deuxième et troisième cycle ; Les élèves officiers de carrière des écoles du service de santé des armées admis à accomplir leur deuxième ou troisième cycle. La prime de 1500 euros Elle est versée : A tous les agents publics civils et militaires des hôpitaux des armées et de l’Institution nationale des Invalides, mais aussi à ceux appelés temporairement, désignés sur service mobile, ou mis à disposition d’établissements publics de santé (article 3) ; Pour les autres bénéficiaires : à ceux dont l’exercice principal est situé dans les départements du 1er groupe de l’annexe du décret (article 3) ; Par dérogation (article 5, alinéa 1er), aux agents publics des établissements publics de santé des départements du 2nd groupe de l’annexe qui ont participé aux évacuations sanitaires ou qui sont intervenus en renfort, notamment au titre d'une mise à disposition, dans des établissements du 1er groupe (précision : l'ancienne version de l'article ne précisait pas l'évacuation sanitaire ou l'idée de "renfort") ; Par dérogation (article 5, alinéa 2), aux agents publics des établissements publics de santé qui sont intervenus, notamment au titre d'une mise à disposition, dans des établissements publics locaux sociaux ou médico-sociaux (en charge de personnes âgées, de l’aide sociale à l’enfance, de mineurs ou adultes handicapés, de personnes ou familles en difficulté ou en situation de détresse, ou de demandeurs d’asile) quel que soit leur groupe ; Par dérogation (article 8), sur proposition des chefs de certains établissements des départements du 2nd groupe limitativement listés en annexe 2 du décret, pour certains services ou agents impliqués dans la prise en charge de patients contaminés par le virus covid-19 ou mobilisés en raison des circonstances exceptionnelles, mais seulement dans la limite de 40% des effectifs physiques de l'établissement. La prime de 500 euros (article 4) Elle est versée aux bénéficiaires qui ne rentrent pas dans les conditions pour la prime de 1500 euros (ceux exerçant, hors dérogation, au sein des départements du 2nd groupe). Réduction du montant (article 6) Le montant de la prime peut être réduit en raison de certaines périodes d’absence de l’agent sur la période concernée : Montant réduit de 50 % en cas d’absence d’au moins 15 jours calendaires ; Prime non versée en cas d’absence de plus de 30 jours calendaires. Modalités de versement et de perception La prime est versée en une seule fois (article 7). Un bénéficiaire ne peut pas toucher les deux primes : s’il répond aux critères pour toucher à la fois la prime de 1500 euros et celle de 500 euros, il ne touche que celle de 1500 euros (article 7). La prime est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales (article 9). Elle cumulable avec tout autre élément de rémunération, sauf (article 9) : La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par la loi du 24 décembre 2019 ; Toute autre prime exceptionnelle liée au Covid-19 (comme celle versée dans la FPE ou la FPT, ou encore celle propre aux établissements médico-sociaux, à venir) ; Des primes et indemnités spécifiques aux militaires mobilisés dans les opérations de lutte contre la propagation du covid-19. La prime « Covid-19 » dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale Le décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 prévoit une prime exceptionnelle plafonnée à 1000 euros pour les autres agents publics que ceux visés par la prime décrite ci-avant. Attention : cette prime n’est pas applicable aux personnels de certains établissements et services publics locaux sociaux et médico-sociaux : une prime spécifique leur est dédiée par un décret du 12 juin 2020 (voir ci-après). Bénéficiaires Le décret précise d’abord que les administrations pouvant verser la prime sont l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics et groupements d'intérêt public, à l'exclusion des établissements. Il exclut toutefois de son champ d’application les établissements et services déjà concernés par la prime des établissements médico-sociaux (pour laquelle le décret l'instaurant n'est pas encore paru) (ex : établissements et services qui assurent l’accueil et l’accompagnement de personnes âgées, personnes handicapées, ou de personnes confrontées à des difficultés particulières). Peuvent être bénéficiaires de la prime : Les magistrats de l’ordre judiciaire ; Les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de l’État (à l’exception des emplois à discrétion du gouvernement, nommés en application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984), des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et groupements d’intérêts public ; Les militaires ; Les personnels contractuels de droit privé des établissements publics ; Les personnels civils et militaires employés par l’État ou par ses établissements publics à caractère administratif en service à l'étranger ; Les personnels contractuels recrutés par les services de l'État à l'étranger sur des contrats de travail soumis au droit local ; Les fonctionnaires mis à disposition d'une administration pouvant verser la prime exceptionnelle du décret n° 2020-570. Notons que si le ministre de l’Éducation nationale a annoncé par voie de presse, le 20 mai 2020, qu’une prime exceptionnelle serait versée aux personnels de l’Éducation nationale, il nous semble qu’il s’agit en réalité de la prime ici présentée et prévue par le décret n° 2020-570 du 14 mai 2020, les personnels de l’Éducation nationale faisant partie des bénéficiaires listés ci-dessus, et les montants annoncés par le ministre étant exactement ceux prévus par le texte (voir ci-après). Conditions d’octroi La prime est accordée aux bénéficiaires « particulièrement mobilisés pendant l’état d’urgence sanitaire […] afin de tenir compte d’un surcroît significatif durant cette période » (article 1er). Sont considérés comme particulièrement mobilisés les personnels pour lesquels l’exercice des fonctions a, en raison de sujétions exceptionnelles auxquelles ils ont été soumis pour assurer la continuité du fonctionnement des services, conduit à un surcroît significatif de travail, en présentiel ou en télétravail ou assimilé (article 3). Modalités d’octroi et montant (fonction publique de l’État) C’est au chef de service à l’organe dirigeant ayant autorité sur les personnels de déterminer les bénéficiaires de la prime et le montant alloué selon trois taux, en fonction notamment de la durée de mobilisation des agents (article 7) : Taux n° 1 : 330 euros ; Taux n° 2 : 660 euros ; Taux n° 3 : 1000 euros. La prime fait l’objet d’un versement unique. Modalités d’octroi et montant (fonction publique territoriale) Les modalités d’attribution de la prime sont définies par l’organe délibérant, dans la limite du plafond de 1000 euros. Les bénéficiaires de la prime, le montant exact alloué et les modalités de versement sont déterminés par l’autorité territoriale. Cumuls et non-imposition La prime est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales (article 5). Elle n’est pas reconductible (article 5). Elle cumulable avec tout autre élément de rémunération, sauf (article 6) : La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par la loi du 24 décembre 2019 ; Toute autre prime exceptionnelle liée au Covid-19 (comme celle versée dans la FPH ou encore celle propre aux établissements médico-sociaux, à venir) ; Des primes et indemnités spécifiques aux militaires mobilisés dans les opérations de lutte contre la propagation du covid-19. La prime « Covid-19 » pour les personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux Le décret n° 2020-711 du 12 juin 2020 prévoit deux primes. L’une de 1500 euros, l’autre de 1000 euros, selon d’abord un élément géographique: le décret prévoit une annexe de deux ensembles de départements qui régit la différence entre les deux primes. D’autres conditions et modalités d’application sont également prévues. Par ailleurs, les personnels de certains types d’établissements ou services sociaux ou médico-sociaux ne sont éligibles qu’à la prime de 1000 euros. Ce décret ne concerne que les agents des employeurs publics. Enfin, notons que le décret fait une distinction entre les agents de la fonction publique hospitalière et de l’État d’un côté, et ceux de la fonction publique territoriale de l’autre. Bénéficiaires de la prime de 1500 euros (fonction publique hospitalière et de l’État) Sont concernés par la prime de 1500 euros (article 2) les agents relevant des établissements et services publics suivants, et dont le lieu d’exercice principal est situé dans les départements du 1er groupe de l’annexe du décret : Établissements ou services publics d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation (article L. 312-1, I, 2° du code de l’action sociale et des familles) ; Centres d'action médico-sociale précoce (article L. 2132-4 du code de la santé publique et article L. 312-1, I,3° du code de l’action sociale et des familles ) ; Établissements ou services publics d’aide par le travail (article L. 312-1, I, 5°, a) du code de l’action sociale et des familles ; Établissements ou services publics de réadaptation, de préorientation et de rééducation professionnelle pour handicapés (article L. 312-1, I, 5°, b) du code de l’action sociale et des familles) ; Établissements et services publics qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale (EHPAD et aides à domiciles) (article L. 312-1, I, 6° du code de l’action sociale et des familles) ; Établissements et services publics, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert (article L. 312-1, I, 7° du code de l’action sociale et des familles) ; Établissements ou services publics qui assurent l'accueil et l'accompagnement de personnes confrontées à des difficultés spécifiques en vue de favoriser l'adaptation à la vie active et l'aide à l'insertion sociale et professionnelle ou d'assurer des prestations de soins et de suivi médical, dont les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue, les structures dénommées " lits halte soins santé ", les structures dénommées " lits d'accueil médicalisés " et les appartements de coordination thérapeutique (article L. 312-1, I, 9° du code de l’action sociale et des familles) ; Établissements ou services publics, dénommés selon les cas centres de ressources, centres d'information et de coordination ou centres prestataires de services de proximité, mettant en œuvre des actions de dépistage, d'aide, de soutien, de formation ou d'information, de conseil, d'expertise ou de coordination au bénéfice d'usagers, ou d'autres établissements et services (article L. 312-1, I, 11° du code de l’action sociale et des familles) ; Établissements ou services publics « à caractère expérimental » (article L. 312-1, I, 12° du code de l’action sociale et des familles) ; Unités de soins de longue durée des centres hospitaliers (article R. 6145-12, 2° du code de la santé publique) ; EHPADs rattachés à un établissement public de santé (centre hospitalier). Par dérogation, sont également concernés les agents qui n’auraient dû pouvoir bénéficier que de l’indemnité de 1000 euros mais qui ont exercé, notamment au titre d'une mise à disposition, entre le 1er mars et le 30 avril 2020, dans des établissements situés dans les départements du premier groupe de l’annexe qui ouvrent droit à la prime de 1500 euros. Bénéficiaires de l’indemnité de 1000 euros (fonction publique hospitalière et de l’État) Sont concernés par l’indemnité de 1000 euros (article 3) tous les agents des établissements et services publics listés précédemment pour la prime de 1500 euros, mais dont le lieu d’exercice principal est situé dans les départements du 2nd groupe de l’annexe. Sont également concernés, et quel que soit leur département, les agents publics relevant des établissements et services publics suivants : Établissements ou services publics comportant ou non un hébergement, assurant l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse (article L. 312-1, I, 8° du code de l’action sociale et des familles) ; Centres d'accueil pour demandeurs d'asile (articles L. 312-1, I, 13° et L. 348-1 du code de l’action sociale et des familles) ; Services départementaux et service francilien d’accueil et d’orientation des personnes sans abri ou en détresse (articles L. 345-2 et L. 345-2-1 du code de l’action sociale et des familles) ; Centres provisoires d’hébergement (article L. 349-2 du code de l’action sociale et des familles) ; Logements-foyers (article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation) ; Lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile (article L. 744-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). On notera que le décret vise inutilement (voire de manière contradictoire) les personnes privées de l’article L. 322-21 du code de l’action sociale et des familles, mais aussi les résidences hôtelières à vocation sociale de l’article L. 631-11 du code de la construction et de l’habitation, il s’agit nécessairement d’établissements ou de services privés. En effet, la prime prévue par le décret ne peut être versée que par des « administrations publiques » (article 11 de la loi du 25 avril 2020). Dérogation générale : l’octroi de la prime de 1500 euros des établissements publics de santé prévue par le décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 (fonction publique hospitalière et de l’État) L’article 6, alinéa 2 prévoit une dérogation générale permettant à certains agents publics du secteur social et médico-social de bénéficier de la prime de 1500 euros prévue pour la fonction publique hospitalière par le décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 (voir début de l’article). Il s’agit des agents publics qui auraient pu bénéficier de la prime de 1000 euros du secteur social et médico-social et qui sont intervenus entre le 1er mars et le 30 avril 2020, notamment au titre d’une mise à disposition, dans les établissements publics de santé (centres hospitaliers) du 1er groupe de l’annexe du décret du 14 mai 2020. Notons que le texte ne prévoit pas de durée minimale d’intervention auprès de l’établissement public de santé dans ce cadre pour bénéficier de la prime. Période concernée et durée minimale d’exercice (fonction publique hospitalière et de l’État) Les bénéficiaires doivent avoir exercé leurs fonctions de manière effective, y compris en télétravail, entre le 1er mars et le 30 avril 2020 (article 5). Il existe des durées minimales d’exercice pour bénéficier de la prime : Pour les agents contractuels : durée minimale, le cas échéant cumulée, de 30 jours calendaires équivalents à un temps plein ou complet ; Pour les personnels enseignants et médecins, odontologistes et pharmaciens et praticiens associés (article L. 6152-1 du code de la santé publique) : durée équivalente à au moins 5 demi-journées par semaine en moyenne. Si ces personnels ont exercé auprès de plusieurs établissements différents au cours de la période, sans atteindre auprès d’aucun d’eux la durée minimale, ils peuvent attester auprès de leur établissement principal (ou d’affectation) avoir exercé de manière cumulée cette durée. Réduction du montant (fonction publique hospitalière et de l’État) Le montant de la prime peut être réduit (article 7) en raison de certaines périodes d’absence de l’agent sur la période concernée : Montant réduit de 50 % en cas d’absence d’au moins 15 jours calendaires ; Prime non versée en cas d’absence de plus de 30 jours calendaires. Modalités de versement et de perception (fonction publique hospitalière et de l’État) La prime est versée en une seule fois (article 5, IV). Un bénéficiaire ne peut pas toucher les deux primes : s’il répond aux critères pour toucher à la fois la prime de 1500 euros et celle de 1000 euros, il ne touche que celle de 1500 euros (article 5, IV). Conditions de perception (toute fonction publique) La prime est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales (article 11 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020) Elle cumulable avec tout autre élément de rémunération, sauf (article 9) : La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par la loi du 24 décembre 2019 ; Toute autre prime exceptionnelle liée au Covid-19 (comme celle versée dans la FPE ou la FPT, ou encore celle propre aux établissements publics de santé que sont les centres hospitaliers) ; Des primes et indemnités spécifiques aux militaires mobilisés dans les opérations de lutte contre la propagation du covid-19. Modalités spécifiques à la fonction publique territoriale Pour la fonction publique territoriale, seuls sont concernés les agents affectés dans les établissements et services publics suivants (article 8) : Établissements et services publics qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale (EHPAD et aides à domiciles) (article L. 312-1, I, 6° du code de l’action sociale et des familles) ; Établissements et services publics, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert (article L. 312-1, I, 7° du code de l’action sociale et des familles) ; Établissements ou services publics qui assurent l'accueil et l'accompagnement de personnes confrontées à des difficultés spécifiques en vue de favoriser l'adaptation à la vie active et l'aide à l'insertion sociale et professionnelle ou d'assurer des prestations de soins et de suivi médical, dont les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue, les structures dénommées " lits halte soins santé ", les structures dénommées " lits d'accueil médicalisés " et les appartements de coordination thérapeutique (article L. 312-1, I, 9° du code de l’action sociale et des familles) ; Les modalités d’attribution de la prime sont définies par l’organe délibérant, dans la limite des plafonds fixés pour les autres fonctions publiques : 1500 euros pour les départements du 1er groupe de l’annexe ; 1000 euros pour les départements du 2e groupe de l’annexe. C’est l’autorité territoriale qui détermine ensuite les bénéficiaires, le montant alloué et les modalités de versement. En cas d’exercice au sein de plusieurs établissements ou structures de la fonction publique territoriale, le montant de la prime est calculé au prorata du temps accompli dans chacun des établissements ou services. L’oubli des agents de l’aide sociale à l’enfance et des assistants familiaux (article 3, dernier alinéa) Le décret prévoit que peuvent bénéficier d’une indemnité « maximale » de 1000 euros les agents de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et assistants familiaux. Toutefois, il n’existe aucune modalité d’application du versement de cette indemnité. En effet, les agents de l’ASE et assistants familiaux sont des agents publics territoriaux. Le chapitre II du décret, relatif à la fonction publique hospitalière et à la fonction publique de l’État, ne leur est donc pas applicable. L’article 8 fixe des modalités de versement des primes, mais uniquement pour certains établissements et services, qui ne comprennent pas l’ASE ni les assistants familiaux. Une probable erreur d’écriture qui rend toutefois impossible le versement de la prime aux agents de l’ASE et aux assistants familiaux.

  • Dialogue social dématérialisé et Covid-19

    Le Préambule de la Constitution de 1946 a posé le principe selon lequel « tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Ce principe dit « de participation », qui veut que les agents soient associés aux décisions individuelles et collectives qui les concernent, a été étendu aux agents de la fonction publique par le Conseil Constitutionnel en 1977 (Décision DC n° 77-83 du 20 juillet 1977). Ainsi, aux termes de l’article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les agents publics participent aux décisions par « l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organismes consultatifs ». Par ce biais, les agents publics sont associés aux mesures, individuelles comme collectives, qui les concernent. Ces instances de dialogue social dans la fonction publique sont : les instances supérieures (notamment CCFP, CSPFE, CSFPT, CSFPH, CSPM), les comités techniques (CT), les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les commissions administratives paritaires (CAP), les commissions consultatives paritaires (CCP). Il convient également de noter que d’autres établissements publics, autorités administratives indépendantes ou autorités administratives publiques, qui n’emploient pas uniquement des agents publics, disposent d’autres instances de dialogue social (par exemple, les comités d’agence pour les agences régionales de santé ou le comité unique de l’établissement public de la Caisse des dépôts et consignations). Enfin, notons que les CT et CHSCT fusionneront bientôt par application de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique pour devenir les comités sociaux d’administration (CSA), territoriaux (CST) ou d’établissement (CSE). Le dialogue social dématérialisé avant la crise sanitaire Avant la crise sanitaire, le recours à la visioconférence n’était évidemment pas la norme et les textes peu nombreux à ce sujet. S’agissant des CHSCT, l’article 67 décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique prévoyait que : « Les réunions des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peuvent, lorsque les circonstances le justifient et à titre exceptionnel, être organisées par visioconférence, sous réserve que le recours à cette technique permette d'assurer que, tout au long de la séance : 1° N'assistent que les personnes habilitées à l'être dans le cadre du présent décret ; 2° Chaque membre siégeant avec voix délibérative ait la possibilité de participer effectivement aux débats ; 3° Le président soit en mesure d'exercer son pouvoir de police de la séance. » S’agissant des CT, l’article 42 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'État avait également exposé que : « Les réunions des comités techniques peuvent, lorsque les circonstances le justifient, être organisées par visioconférence, sous réserve que le recours à cette technique permette d'assurer que, tout au long de la séance : 1° N'assistent que les personnes habilitées à l'être dans le cadre du présent décret ; 2° Chaque membre siégeant avec voix délibérative ait la possibilité de participer effectivement aux débats ; 3° Le président soit en mesure d'exercer son pouvoir de police de la séance. » Toutefois, cette disposition ne trouvait pas son équivalent au sein du décret n°85-565 du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Par la suite, une ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial, applicable à toutes les administrations de l'État, aux établissements publics à caractère administratif, aux organismes de sécurité sociale et aux autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif, à l'exception des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements, est venue ouvrir à plus d’instances le recours aux délibérations par voie dématérialisée : « Sous réserve de la préservation, le cas échéant, du secret du vote, le président du collège d'une autorité mentionnée à l'article 1er peut décider qu'une délibération sera organisée au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. » (article 2). Cette ordonnance a été complétée par un décret n° 2014-1627 du 26 décembre 2014 relatif aux modalités d'organisation des délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial, qui précise les modalités d’organisation d'une délibération par échange d'écrits transmis par voie électronique, dans les instances administratives collégiales des administrations de l'État, des organismes privés chargés d'une mission de service public et des établissements publics des collectivités locales. Le dialogue social dématérialisé pendant la crise sanitaire D’après la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (ci-après « DGAFP »), « Pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, le Gouvernement souhaite que les instances de dialogue social dans la fonction publique puissent continuer, au quotidien et dans des délais raisonnables, à exercer leurs attributions, notamment à être informées et à examiner les projets de texte, et que les employeurs publics maintiennent un dialogue social de qualité avec les représentants du personnel de la fonction publique. » L’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire a donc entendu rendre applicables les modalités de l’ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial à ces instances. Tel qu’évoqué dans un précédent article sur ce blog (« Instances collégiales et visioconférence »), les instances de dialogue social disposent de trois modalités de réunion et de délibération : la conférence téléphonique ; la conférence audiovisuelle ou visioconférence ; les procédés permettant l’échange d’écrits par voie électroniquement (dialogue en ligne ou messagerie électronique). La DGAFP a émis, le 1er avril dernier (https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/covid-19/20200401-consultation-a-distance_IRP.pdf), des recommandations sur la tenue de ces instances dématérialisées : Les modalités pratiques de fonctionnement de la réunion à distance doivent être présentées au début de la première conférence ; Un compte rendu écrit doit être rédigé, exposant selon quelles modalités les débats peuvent être enregistrés et les tiers entendus par l’instance ; Les membres de l’instance doivent pouvoir être identifiés ; Les débats doivent rester confidentiels ; Les règles de quorum de droit commun continuent de s’appliquer, de sorte que s’il n’est pas atteint, une nouvelle réunion devra être organisée ; Le procès-verbal de la réunion doit rendre compte de l’ensemble des débats, opinions et votes exprimés, et être communiqués électroniquement aux membres de l’instance. Du fait de cette possibilité de recours aux moyens de communication électronique, l’administration doit, même pendant la crise sanitaire, continuer de réunir les instances de dialogue social. A défaut, l’administration doit être en mesure de démontrer qu’elle a engagé toutes les diligences possibles pour assurer la tenue de l’instance, et qu’il s’agit ainsi d’une « formalité impossible » pour elle (Conseil d’État, 28 février 2020, Ministre de l’intérieur, req. n° 428441). Le dialogue social dématérialisé après la crise sanitaire Malgré les nouvelles possibilités d’organisation ouvertes par l’ordonnance du 27 mars 2020, il convient de ne pas oublier que ces dispositions ne sont malheureusement pas pérennes, et n’ont vocation à s’appliquer que pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, augmentée d’un mois. Passée cette date, les administrations et les représentants du personnel devront de nouveaux se soumettre aux décrets lacunaires et peu nombreux qui permettaient le recours à un dialogue social dématérialisé.

  • Le télétravail dans la fonction publique à l’aune du Covid-19

    Aux termes de l’article 133 de la loi ° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : « Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail ». Transformation numérique, changement climatique et, plus récemment, crise épidémique, ont rappelé toute la pertinence et la nécessité de cette modalité d’organisation du travail de certains agents publics, face aux bouleversements à venir de nos modes de vie. Dans son communiqué de presse du 16 mars 2020, Olivier DUSSOPT, secrétaire d’État a annoncé que chaque employeur public devait contribuer à la lutte contre la diffusion du Covid-19 par la mise en place systématiquement du télétravail, lorsque le poste de l’agent le permet, et, en cas d’impossibilité par un placement en autorisation spéciale d’absence (ASA). Jusqu’alors, les modalités de télétravail manquaient toujours de souplesse, notamment au regard des circonstances particulière de la crise sanitaire et l’organisation, parfois compliquée, du plan de continuité de l’activité du service public concerné. Mais la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique avait ouvert la réflexion : étaient ajoutées à l’article 133 de la loi du 12 mars 2012 précité « les possibilités de recours ponctuel au télétravail », qui devait donc faire l’objet d’une modification du décret d’application n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature. Par un décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 modifiant le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, le Gouvernement est donc venu tirer les conséquences de la loi d’août 2019 en facilitant les modalités de recours au télétravail, un décret qui tombe à point nommé compte tenu de l’expérimentation grandeur nature vécue depuis le 16 mars 2020 par les administrations. La définition du télétravail Dans sa nouvelle rédaction du 5 mai 2020, le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature définit le télétravail comme « toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l'information et de la communication ». Les modalités géographiques du télétravail Il peut être organisé alternativement : au domicile de l’agent, dans un autre lieu privé, dans tout lieu à usage professionnel (par exemple des télécentres). Le télécentre est défini par l’Association française du télétravail et des téléactivités comme « une ressource immobilière et logistique composée de bureaux disposant d’équipements informatiques et de télécommunications, conçus, réalisés et gérés par un opérateur public ou privé et mis à la disposition de télétravailleurs ». Cette solution peut être privilégiée par des agents ne disposant pas des conditions matérielles (bureau, isolement suffisant, ...) nécessaires à leur domicile mais souhaitant néanmoins réduire substantiellement leurs temps de déplacement en exerçant leurs fonctions dans un télécentre proche de leur domicile. Les modalités temporelles du télétravail Désormais, le télétravail n’est plus nécessairement une modalité « régulière » de l’organisation de l’activité de l’agent, puisqu’il peut également être autorisé ponctuellement (nouvel article 2-1 du décret du 11 février 2016). La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine (article 3). Par ailleurs, s’il était possible de se voir attribuer, de manière fixe, jusqu’à trois jours par semaine de télétravail, il est dorénavant également permis d’attribuer à l’agent un volume de jours flottants de télétravail par semaine, mois ou année, dont il pourra solliciter l’utilisation auprès de l’autorité administrative (nouvel article 2-1 du décret du 11 février 2016). Aux termes du nouvel article 4 2° du décret du 11 février 2016, il peut, en outre, être dérogé au volume hebdomadaire de télétravail, non plus seulement pour raisons médicales (maladie, handicap ou grossesse), mais également « en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site », telle que l’épidémie de Covid-19. Cette dérogation peut être accordée pour une période de 6 mois renouvelable une fois (article 4). Les modalités pratiques du télétravail Chaque employeur public définit les modalités de mise en œuvre du télétravail au sein de sa structure, dans le respect des principes édictés par le décret du 11 février 2016. Cette déclinaison du cadre règlementaire doit prendre la forme : d’un arrêté ministériel pour la fonction publique d’État d’une délibération de l’organe délibérant de la collectivité pour la fonction publique territoriale d’une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination pour la fonction publique hospitalière L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées, notamment les jours de la semaine travaillés sous cette forme ainsi que le ou les lieux d'exercice (article 5). L'administration apprécie alors la compatibilité de la demande avec : la nature des activités exercées, l'intérêt du service, et, lorsque le télétravail a lieu au domicile de l'agent, la conformité de ses installations. Pour ce faire, le décret exige désormais que l’agent joigne à sa demande de télétravail une attestation de conformité des installations aux spécifications techniques. Sur le plan financier : Sont obligatoirement pris en charge par l’employeur : les coûts des matériels, logiciels, abonnements, communications, outils et maintenance de ceux-ci ; Ne sont pas obligatoirement pris en charge par l’employeur : les coûts de location d’un espace destiné au télétravail. En outre, si sous l’empire des anciennes dispositions du décret du 11 février 2016, l’autorisation de télétravail n’était accordée que pour une année, désormais, il semble qu’elle soit accordée pour une période indéterminée, faute pour le texte de prévoir une durée quelconque. Ainsi, seul un changement de fonctions est susceptible de faire « expirer » une autorisation télétravail. Il peut être mis fin à cette forme d'organisation du travail, à tout moment et par écrit, à l'initiative de l'administration ou de l'agent, moyennant un délai de prévenance de deux mois. Dans le cas où il est mis fin à l'autorisation de télétravail à l'initiative de l'administration, le délai de prévenance peut être réduit en cas de nécessité du service dûment motivée. Doivent également être motivées et précédées d’un entretien : la décision de refus opposé à une demande d’autorisation de télétravail ; la décision d’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration. Enfin, outre les recours administratifs et contentieux, l’agent se voyant refuser une autorisation de télétravail, son renouvellement ou son interruption, peut saisir pour avis la commission administrative paritaire (pour les fonctionnaires) ou la commission consultative paritaire (pour les agents contractuels). Ainsi, il est raisonnable de penser que les souplesses apportées au décret du 11 février 2016 par le Gouvernement vont aider au développement de cette modalité d’organisation du travail qu’est le télétravail, largement employé (voire plébiscité) durant le confinement de mars à mai 2020.

  • Coronavirus – L’imbroglio de l’imposition de congés annuels et de RTT dans la fonction publique

    Une ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 est venue prendre des mesures drastiques pour les fonctions publiques de l’État et territoriale, en matière d’imposition de prise de jours de congés annuels (CA) et de réduction du temps de travail (RTT) durant la période d’état d’urgence sanitaire. Une mesure exceptionnelle analogue a été prise pour les salariés de droit privé et a déjà fait couler beaucoup d’encre. En effet, pour limiter les conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus, l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 avait habilité le gouvernement à prendre, par ordonnance, toute mesure « en matière de droit du travail […] et de droit de la fonction publique » permettant d’imposer la prise de CA ou de jours de RTT. Deux jours plus tard, les mesures étaient prises pour les salariés de droit privé : l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos venait rendre possible l’imposition par l’employeur de la prise de jours de RTT ou, sous réserve d’un accord d’entreprise ou de branche, de jours de congés, durant l’état d’urgence sanitaire. Aucune disposition n’était alors prise pour la fonction publique, la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) rappelant, dans sa fiche référence « Covid-19 » relative aux congés, que, dans l’administration, le chef de service « peut [déjà] modifier des congés posés et imposer des dates, pour des motifs tirés de l’intérêt du service ». Pourtant, près d’un mois plus tard, le gouvernement prenait finalement une ordonnance n° 2020-430, datée du 15 avril 2020 et publiée le jour suivant, « relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale au titre de la période d'urgence sanitaire ». Une ordonnance qui soulève de nombreuses interrogations : un système particulièrement complexe, rétroactif (à la différence du secteur privé), réparti en de multiples cas distincts mais parfois cumulables, et présentant nombre de choix surprenants et d’imprécisions préoccupantes, rendant son application très délicate, et créant un risque d’individualisation partiale des situations. I- L’imposition des jours : nombre et modalités L’ordonnance ne s’applique de manière obligatoire qu’aux fonctionnaires et agents contractuels de droit public de l’État, aux personnels ouvriers de l’État, ainsi qu’aux magistrats de l’ordre judiciaire. Si elle pourra s’appliquer, sous certaines conditions, aux agents publics territoriaux (voir en fin d’article), elle exclut donc (et on comprend aisément pourquoi) la fonction publique hospitalière et la fonction militaire. Elle exclut aussi les agents « relevant des régimes d’obligations de service » que sont principalement les enseignants. L’ordonnance prévoit plusieurs cas d’imposition de jours de RTT et de CA, d’abord pour les agents en autorisation spéciale d’absence (ASA), ensuite pour ceux en télétravail (tableau n°1), et plusieurs modalités générales d’application, notamment sur la proratisation des jours imposés (tableau n°2) : II- Des choix incohérents, un mécanisme complexe, une marge de manœuvre toute relative Il est difficile de comprendre les choix qui ont présidé à la grande complexité de ce système. On comprend certes que l’instauration d’une ordonnance avait pour objectif de mettre fin à une controverse jurisprudentielle sur la possibilité (ou non) qu’aurait l’administration d’imposer des jours de congés dans le « droit commun ». Mais au-delà du principe, l’ordonnance est parfois trop précise, parfois totalement floue. Le texte verrouille ainsi totalement les possibilités d’organisation du service – qu’il devait pourtant venir faciliter – et dans le même temps est sur certains points particuliers trop permissif. Le tout rend le système difficile à comprendre, tant dans son principe que dans son contenu, et a fortiori difficile à appliquer. La marge de manœuvre des chefs de services est ainsi limitée sur plusieurs points : les agents en présentiel sont oubliés du texte ; le nombre de jours imposés n’est pas flexible (et la pose de jours est obligatoire dans certains cas) ; aucune distinction n’est faite entre les agents en ASA « Covid-19 » et ceux en « ASA pour garde d’enfants », pas plus qu’un panachage du type de jours (RTT ou CA) n’est réellement permis en fonction des situations spécifiques rencontrées par chaque agent. Par ailleurs, la rédaction du texte manque tant de clarté que l’on pourrait y lire que certains agents pourraient se voir imposer un nombre de jours plus importants que d’autres : ceux ayant changé de statut de travail au cours de la période postérieure au 17 avril 2020, pourraient ainsi voir se cumuler plusieurs mécanismes d’imposition de jours, passant le total de jours imposables à 15. On observe également une imprécision (et une incohérence) des plus totales s’agissant de la proratisation des jours imposés. La réduction envisagée ne semble pas toujours s’appliquer à tous les types de jours imposés. Au-delà, les modalités de proratisation en tant que telles ne sont pas évoquées : si de multiples cas de proratisation sont envisagés, on peine à comprendre concrètement comment elle s’opérera, compte tenu de rédactions chaque fois différentes : Soustraction des jours pris ? Réduction de jours à la libre appréciation de l’administration ? Proratisation mathématique par proportionnalité ? Et si le système semble d’un côté, très fermé à une adaptation individualisée, il laisse, d’un autre, totalement la main aux administrations sur des points qui auraient nécessairement mérité des précisions pour en assurer la sécurité juridique : le choix du type de jours à imposer (CA ou RTT), la prise en compte des congés maladie, le choix de prendre ou non les jours imposés sur le CET, la notion de télétravail « ou assimilé »… S’ajoute à cela la difficile appréhension de la notion de « nécessités de service », qui n’est d’ailleurs utilisée que pour les agents en télétravail, et dont aucune définition n’est donnée (alors que la jurisprudence est très peu fournie s’agissant de l’imposition de jours de congés, du fait d’une controverse sur le principe même de cette possibilité). Cette notion viendra se heurter à la réalité de l’organisation des services en période de crise mais également à l’égalité de traitement entre agents concernés. Quelques exemples concrets peuvent être dégagés de ces constats, ne serait-ce que pour la fonction publique de l’État, et qui illustrent, tant dans les disparités entre agents, que dans les incertitudes d’application, la complexité d’application du texte : Deux agents ont été placés en ASA, le premier dès le 16 mars, le second seulement à partir du 6 avril (après une période de « travail présentiel »). Les deux se verront pourtant imposer 5 jours de RTT au titre de la première période courant du 16 mars au 16 avril. Trois agents ont été placés en ASA pendant la période d’état d’urgence sanitaire. Le premier disposant de RTT perdra 10 jours (10 RTT ou 5 RTT + 5 CA). Le deuxième disposant de moins de 5 jours de RTT perdra entre 7 jours (1 RTT + 6 CA) et 10 jours (4 RTT + 6 CA). Le troisième ne disposant d’aucun RTT ne perdra que 6 jours de CA. Deux agents ont télétravaillé, l’un du 16 mars au 16 avril, l’autre du 17 avril au 17 mai, étant le reste du temps en « travail présentiel ». Le premier ne perdra aucun jour de RTT ou de CA. Le second se verra imposer 5 jours de RTT, ou à défaut 5 jours de CA. Deux agents ont travaillé du 17 avril au 17 mai, l’un en présentiel, l’autre en télétravail. Le premier ne perdra aucun jour de RTT ni de CA. Le second se verra imposer sur la période 5 jours de RTT, ou à défaut 5 jours de CA. Deux agents, de deux administrations différentes ont télétravaillé du 17 avril au 17 mai. L’un d’entre eux se verra imposer 5 jours de RTT, ou à défaut 5 jours de CA qu’il prendra. Le second se les verra retirés de son CET, tout en continuant de télétravailler. Deux agents placés en ASA pendant la période de l’état d’urgence se voient retirer 10 jours de RTT. L’un avait sollicité volontairement une ASA « pour garde d’enfant ». L’autre a été involontairement privé d’activité professionnelle par son chef de service qui l’a placé en ASA « covid-19 ». Alors qu’ils sont dans deux situations de causes différentes, ils perdront le même nombre de jours de RTT ou de CA. Trois agents, de trois administrations différentes, ont été placés en congé de maladie pendant cinq jours, puis en ASA, sur une période de 30 jours. Le premier se verra retirer jusqu’à 10 jours de RTT (ou de CA). Le deuxième, ne se verra imposer que 5 jours de RTT, après déduction de ses 5 jours de CMO. Pour le troisième l’administration pourrait choisir de déduire 1/6e (car 5 jours de CMO / 30 jours d’ASA) du nombre de jours de RTT qu’elle devrait lui imposer conformément à l’ordonnance. III- Fonction publique territoriale : le flou juridique complet Pour la fonction publique territoriale, l’ordonnance se contente, dans son article 7, de prévoir que ses dispositions « peuvent être appliquées aux agents publics relevant de la loi du 26 janvier 1984 susvisée par décision de l'autorité territoriale, dans les conditions définies par celle-ci. » On peut comprendre que le gouvernement ait souhaité laisser aux employeurs locaux leur liberté d’administration au sens de la Constitution, mais ce simple texte est une véritable porte ouverte à une incertitude juridique totale d’application, dès lors que l’ordonnance ne fixe aucune limite à la définition, par l’autorité territoriale, des conditions de son application. Aucune certitude sur le caractère contraint du nombre de jours à imposer ou sur un éventuel simple plafond, pas plus que sur l’obligation, en cas d’application de l’ordonnance, de reprendre point par point l’intégralité des modalités et cas particuliers envisagés, ou encore de la possibilité, au regard de la jurisprudence, que les décisions individuelles puissent être rétroactives. Par ailleurs, notons qu’aucune délibération des organes délibérants ne sera nécessaire : l’autorité territoriale seule aura la charge de définir les conditions d’application puis de prendre les décisions individuelles en découlant. Cette imprécision générale de l’ordonnance laisse ainsi les collectivités locales dans une incertitude totale quant à la sécurisation juridique des mesures qu’elles pourraient prendre en la matière. * * * En conclusion, si le gouvernement semble avoir voulu, par l’ordonnance du 15 avril 2020, permettre aux administrations d’organiser l’absence de leurs agents pour mieux prévoir l’organisation du travail post-confinement, les choix juridiques opérés, la multiplicité des cas prévus et les – pour autant – nombreuses imprécisions rendent son application particulièrement complexe. On peut espérer que de nombreux managers nationaux et locaux feront usage de bon sens pour mettre en place ces mesures. Il n’en reste pas moins qu’un texte beaucoup plus simple d’application aurait été apprécié, notamment pour éviter le casse-tête que représentera l’individualisation de certaines prises de décision, et l’important risque contentieux représenté par une application irrégulière de ces mesures. Si une première analyse pouvait laisser croire à des oublis ou des erreurs d’écritures, laissant place à une forme d’interprétation, l’étude détaillée, tant de l’ordonnance que du rapport l’accompagnant, que nous avons menée pour rédiger cet article, révèle des choix de rédaction bien distincts d’une disposition à l'autre, démontrant une volonté de différencier strictement les situations. Outre la difficulté d’application, cette ordonnance ne peut que faire craindre de grandes disparités dans sa mise en œuvre et une réelle individualisation peu contrôlée des situations. En l’état, le juge administratif, qui sera sans doute saisi de nombreux cas, devra très probablement imposer une jurisprudence d’interprétation sur de nombreux points d’ombre. Des précisions de ce texte surprenant dans les jours ou semaines à venir n’en sont que d’autant plus souhaitables, tant pour l’administration que pour ses agents. Émilien Batôt et Marie Cochereau MISE A JOUR DU 23/04/20 : la DGAFP a publié le 23 avril 2020 une fiche « questions-réponses » relative à l’interprétation des dispositions de l’ordonnance du 15 avril 2020. Dans l’ensemble, cette fiche ne répond pas aux principales incertitudes sur la sécurité juridique de son application : Quelques réponses confirment nos inquiétudes sur l’absence de marge de manœuvre des managers publics (Q2, Q5, Q17…) ; D’autres sont étonnantes quant à leur contradiction avec la rédaction du texte (notamment sur la possibilité de réduire le nombre de jours imposés au titre du télétravail, la DGAFP estimant de manière très surprenante qu’ « il n’était pas nécessaire d’écrire « jusqu’à » pour que cela soit possible » (Q9, Q10, Q11) ; Une réponse semble contraire aux engagements internationaux de la France (Q16). MISE A JOUR DU 20/05/20 : Le Gouvernement a modifié l'ordonnance du 15 avril 2020 par une ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire. La deuxième période (celle commençant le 17 avril 2020) a dorénavant une date de fin précise (et non liée à la fin de l'état d'urgence sanitaire) : le 31 mai 2020 (le tableau n° 1 du présent article a été modifié en ce sens).

  • Vers le déplafonnement des heures supplémentaires dans les établissements publics de santé ?

    Dans le prolongement de l’ouverture de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a logiquement autorisé les établissements publics de santé à déplafonner les heures supplémentaires pour les personnels nécessaires à la prise en charge des patients dans le contexte du covid-19, mais pas que … Il convient de rappeler que, selon l’article 15 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, par définition, les heures supplémentaires s’entendent comme des heures effectuées « en dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail ». Dans sa version en vigueur jusqu’à maintenant, il résultait de cet article que les heures supplémentaires étaient assujetties à des plafonds : - Tout d’abord, un plafond annuel : celui-ci était annuellement fixé à 180 heures par an pour les personnels de ces établissements publics de santé, à l’exception des « infirmiers spécialisés, les cadres de santé infirmiers, les sages-femmes, les sages-femmes cadres de santé, personnels d'encadrement technique et ouvrier, manipulateurs d'électroradiologie médicale » pour lesquels il était poussé à 220 heures par an. - Toutefois, lorsque le cycle de travail est inférieur ou égal à un mois, le nombre d'heures supplémentaires susceptibles d'être effectué par mois et par agent ne peut excéder 15 heures. Ce plafond est fixé à 18 heures pour les catégories de personnels suivantes : infirmiers spécialisés, cadres de santé infirmiers, sages-femmes, sages-femmes cadres de santé, personnels d'encadrement technique et ouvrier, manipulateurs d'électroradiologie médicale. « Lorsque la durée du cycle de travail est supérieure à un mois, ce plafond est déterminé en divisant le nombre d'heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées dans l'année par 52 et en multipliant ce résultat par le nombre de semaines que compte la durée du cycle de travail. » Initialement, une exception existait d’ores-et-déjà afin de permettre un dépassement de ces plafonds en cas de crise sanitaire. Tel que le prévoyait l’alinéa 3 de l’article 15 précité, les établissements publics de santé pouvaient être autorisés, « par décision du ministre de la santé, à titre exceptionnel, pour une durée limitée et pour les personnels nécessaires à la prise en charge des patients, à dépasser les bornes horaires fixées par les cycles. » C’est ainsi que, dans un premier temps, la décision du Ministre de la santé du 5 mars 2020 portant application de l’article 15 aliéna 3 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 prévoyait que, pour faire face à l’épidémie de Covid-19, les établissements publics de santé étaient autorisés, à titre exceptionnel, pour la période du 1er février au 30 juin 2020 à recourir, de façon transitoire aux heures supplémentaires au-delà des plafonds fixés à l’article 15 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 précité. Toutefois, par le décret n° 2020-297 du 24 mars 2020 relatif aux heures supplémentaires et à leur dépassement dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, le gouvernement a très largement assoupli les conditions de ce régime d’exception, de sorte qu’il pourrait être généralisé, par décision locale, bien au-delà d’éventuelles crises sanitaires. Il prévoit que désormais : - Premièrement, le plafond annuel est fixé à 240 heures par agent, et ce sans distinction de corps et de grade ; - Deuxièmement, dans le cadre d’un cycle inférieur ou égal à un mois, « le nombre d'heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées par mois et par agent ne peut excéder 20 heures », là encore sans distinction de corps et de grade ; - Troisièmement, « les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée peuvent être autorisés, par décision du directeur général de l'agence régionale de santé pour les établissements mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 5° de l'article 2 de cette loi, ou du préfet du département pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° du même article, à titre exceptionnel, notamment au regard des impératifs de continuité du service public ou de la situation sanitaire, à dépasser les bornes horaires fixées par le cycle de travail, pour une durée limitée et pour les personnels nécessaires à la prise en charge des usagers ». Sous couvert de l’épidémie de Covid-19, force est de constater que le gouvernement ne se contente pas d’activer des exceptions transitoires, mais se permet de modifier subrepticement la teneur des textes pour l’avenir, ici avec la possibilité de déroger aux plafonds des heures supplémentaires au-delà des crises sanitaires. Face à la pénurie de personnel dont souffrent déjà les établissements publics de santé dans certaines zones géographiques, et les contraintes liées à l’objectif national des dépenses d’assurances maladie (« ONDAM »), on peut être dubitatif quant au succès à moyen terme de la maxime : « travailler plus, pour gagner plus », si le prix pour le personnel hospitalier en est : perte de la qualité de vie au travail, risques psycho-sociaux, troubles musculo- squelettiques (« TMS »)…

  • La justice administrative au temps du Coronavirus

    En application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le Gouvernement a pris, le 25 mars dernier, une ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif. Cette ordonnance, permet de déroger, pendant toute la période allant du 12 mars 2020 à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, aux dispositions législatives et réglementaires habituellement applicables aux juridictions administratives. [Mise à jour] Une seconde ordonnance n° 2020-558 du 13 mai 2020 est venue modifier certaines des dispositions de l'ordonnance initiale. Les mises à jours de notre article au vu de cette seconde ordonnance sont indiquées en rouge. Le titre Ier de l’ordonnance liste 12 mesures qui dérogent à l'organisation et au fonctionnement habituels des juridictions : La possibilité de compléter des formations de jugement par à l’adjonction de magistrats honoraires ou issus d’autres juridictions (article 3) La possibilité de permettre à des magistrats ayant le grade de conseiller et une ancienneté minimale de deux ans de statuer par ordonnance dans les conditions prévues à l’article R. 222-1 du code de justice administrative (article 4) ; La possibilité de communiquer aux parties des pièces, actes et avis par tout moyen (article 5) ; La possibilité de tenir des audiences à huis clos ou de limiter le nombre de personne présentes (article 6) ; La possibilité de tenir des audiences par tout moyen de communication audiovisuelle ou, en cas d’impossibilité, par tout moyen de communication électronique (article 7) ; La possibilité de dispenser, sur sa proposition, le rapporteur public d’exposer des conclusions à l’audience (article 8) ; La possibilité de statuer sans audience sur des requêtes présentées en référé (article 9) ; La possibilité de statuer sans audience sur les demandes de sursis à exécution (article 10) ; La possibilité de rendre publique la décision de justice par mise à disposition au greffe de la juridiction (article 11) ; La possibilité que la minute du jugement ne soit signée que du seul président de la formation de jugement (article 12) ; La possibilité de notifier la décision, non au domicile des parties, mais à leur avocat (article 13) ; La possibilité de ne pas prononcer lors de l’audience les jugements relatifs aux mesures d’éloignement des étrangers placés en centre de rétention (article 14). Le titre II de l'ordonnance comporte quant à lui des dispositions particulières relatives aux délais de procédure et de jugement. Il prévoit ainsi que : Les délais de recours contentieux échus pendant la période d'urgence sanitaire s'appliquent devant les juridictions de l'ordre administratif (article 15) ; [MàJ] Les mesures d'instruction, autres que les clôtures, dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 sont prorogées de plein droit jusqu'au 24 août 2020 inclus, sauf si le juge précise expressément que ce report ne s'applique pas à la mesure prise (article 16, I) ; Les clôtures d’instruction dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 [MàJ] et le 23 juin 2020 (l'ancienne version portait le délai à la fin de l'état d'urgence) sont prorogées de plein droit [MàJ] jusqu'au 23 juin 2020 inclus, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge (article 16, II) ; Le juge garde néanmoins la possibilité de clôturer l'instruction avant ce terme : il précise alors expressément, dans son ordonnance de clôture d'instruction, la dérogation à la règle prévue par l'ordonnance du 25 mars 2020 (même article) ; Le point de départ des délais impartis au juge pour statuer est reporté au [MàJ] 1er juillet 2020, sauf dérogations en matière de droit des étrangers et de droit électoral (article 17).

  • Instances administratives collégiales et visioconférence

    En raison de l’annonce par le Premier Ministre, Édouard Philippe, le 27 mars dernier, de la prolongation des mesures de confinement, le Gouvernement a dû trouver des solutions permettant aux autorités administratives de continuer de fonctionner, et donc de prendre des décisions, nonobstant l’impossibilité physique de se réunir. Par une ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire, l’exécutif a généralisé, du 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration de l’état d’urgence sanitaire augmenté d’une durée d’un mois, la tenue des réunions ou délibérations dématérialisées, et le recours à la visioconférence, au sein des administrations publiques. Sont concernés par le dispositif les conseils d’administration, organes délibérants ou organes collégiaux de direction des établissements publics quel que soit leur statut, de la Banque de France, des groupements d’intérêts publics, des autorités administratives indépendantes, des autorités publiques indépendantes et des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public. En revanche, sont exclus du dispositif les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements. Les modalités concrètes de fonctionnement dématérialisé de ces instances avaient déjà été fixées dès la fin de l’année 2014, par une ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial qui avait ouvert la faculté aux autorités administratives régies par la loi du 12 avril 2000 susvisée, à l'exception des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi qu’aux organismes privés chargés de la gestion d'un service public administratif, de tenir des délibérations à distance. Pour ce faire, le président de l’instance collégiale en question peut décider qu'une délibération serait organisée soit : au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle ; ou par tout procédé assurant l'échange d'écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie. A ce titre, il est précisé que si le collège en question est saisi dans le cadre d’une procédure disciplinaire, la délibération ne pouvait avoir lieu par messagerie électronique ou procédé assurant l'échange d'écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne. Aux termes de cette ordonnance du 6 novembre 2014, l’utilisation de ce procédé est permise à condition de garantir le caractère secret du vote. En outre, la validité des délibérations prises est subordonnée : d’une part, à l’identification des participants à la séance ; d’autre part, à la confidentialité des débats vis-à-vis des tiers. L’un des objectifs de la tenue de ces délibérations dématérialisées, est semble-t-il que l’instance collégiale disposant d’un pouvoir de décision puisse, en vue de l'adoption de mesures présentant un caractère d'urgence, notamment pour faire face à la crise sanitaire actuelle, continuer de se réunir et de délibérer, afin d’éviter à tout prix la paralysie de ces institutions. Le Gouvernement est également allé plus loin par son ordonnance du 27 mars 2020, c’est-à-dire jusqu’à permettre au président de l’instance collégiale concernée, d’exercer les compétences afin d'adopter des mesures présentant un caractère d'urgence jusqu'à ce que cette instance puisse de nouveau être réunie et au plus tard jusqu'à l'expiration de l’état d’urgence sanitaire augmenté d’une durée d’un mois, en cas d'impossibilité avérée de tenir les réunions, y compris de manière dématérialisée. Il convient également de noter qu’en application de cette ordonnance du 27 mars 2020, les mandats des membres des organes, collèges, commissions et instances mentionnés à l'article 2 qui arrivent à échéance pendant la période prévue à l'article 1er sont, nonobstant toute limite d'âge ou interdiction de mandats successifs, prorogés jusqu'à la désignation des nouveaux membres et au plus tard jusqu'au 30 juin 2020. A travers son ordonnance du 27 mars 2020, l’exécutif se défait de l’une des principales limites à l’usage des délibérations dématérialisée, à savoir la liberté que conservait l’autorité compétente pour réglementer le fonctionnement d’un collège, en restreignant ou en posant certaines conditions au recours à une forme de délibéré à distance. Cette faculté de recourir aux délibérations dématérialisées s'exerce désormais même si des dispositions législatives ou réglementaires propres à ces organismes ou instances, y compris leurs règles internes, ne prévoient pas de possibilité de délibération à distance ou les excluent.

  • Coronavirus et droit de retrait des agents publics

    Le mercredi 18 mars, des CRS des départements du Rhône, de l'Ain et de l'Isère ont fait valoir leur droit de retrait en l’absence de matériel de protection adéquat contre le Coronavirus, tel que des masques de type FFP2 et des gants de protection en latex, qui sont actuellement en nombre insuffisant. Interrogé au micro d’Europe 1, le 19 mars suivant, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a répliqué qu’il estimait que les agents n'étaient « pas en risque » face au Coronavirus lors des contrôles auprès du public, de sorte que le droit de retrait ne serait, en l’espèce, pas justifié. Au regard de l’ampleur que prend l’épidémie, en France et partout dans le monde, d’autres agents publics sont et seront amenés à s’interroger sur l’utilisation de leur droit de retrait afin de se protéger et de protéger leurs familles. Toutefois, outre les conditions classiques d’utilisation du droit de retrait, qui peuvent parfois être difficiles à réunir, son application à l’épidémie de Coronavirus paraît ironiquement incertaine, notamment pour les corps de métiers les plus exposés aux malades ou au public, mais aussi les plus indispensables à la population, tels que les agents des forces de l’ordre ou les agents des services hospitaliers. Qu’est-ce que le droit de retrait pour les agents publics ? Le droit de retrait consiste en la possibilité pour tout agent de quitter son poste de travail s'il a un motif raisonnable de penser qu'il se trouve exposé à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ou s'il constate une défectuosité dans les systèmes de protection (article 5-6 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ; article 5-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale ; article L. 4131-1 du code du travail pour la fonction publique hospitalière). Ainsi, pour pouvoir donner lieu à l’exercice d’un droit de retrait, la situation dont se prévaut l’agent public doit réunir deux conditions : Un danger grave : Ce danger grave doit donc être distingué du risque habituel du poste de travail ou des conditions normales d’exercice, même si l’activité peut s’avérer pénible et dangereuse, ou des « retraits protestataires » faisant par exemple suite à l’agression d’un autre agent du même service (Tribunal administratif de Nancy, 22 mars 2011, req. n° 0901907) ; Un danger imminent : Ce danger ne doit pas être simplement éventuel, mais susceptible de se concrétiser dans un bref délai. Comment mettre en œuvre le droit de retrait ? Deux procédures sont envisageables pour la mise en œuvre du droit de retrait des agents publics. Dans le premier cas, l’agent qui se trouve dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent en informe personnellement et immédiatement son chef de service, puis il se retire de son poste de travail (article 5-6 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982). Cette alerte peut être effectuée verbalement ou par écrit (Conseil d’État, 11 juillet 1990, req. n° 85416). Dans le second cas, l’agent peut également informer un membre du CHSCT de la situation de danger grave et imminent que son travail présente (article 5-7 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982). C’est alors ce représentant du personnel qui alerte le chef de service et consigne l’évènement au registre spécial consacré aux signalements des dangers graves et imminents présenté (article 5-8 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; article 5-3 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985). Ce registre spécial est tenu, sous la responsabilité de l’employeur public, à la disposition des représentants du personnel au CHSCT. Les avis du registre spécial doivent être signés et indiquer : les postes de travail concernés par la cause du danger constaté ; la nature et la cause de ce danger ; le nom des travailleurs exposés. Comment vérifier la réalité du danger et déterminer les mesures à prendre pour y remédier ? Dans les deux hypothèses précitées, une enquête doit immédiatement être diligentée par l’autorité administrative, le cas échéant en y associant un membre du CHSCT. Dans l’hypothèse où l’autorité administrative conclut à la réalité du danger, elle est tenue de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Elle doit également informer le CHSCT des décisions prises. Ces mesures sont consignées dans le registre spécial. En cas de divergence sur la réalité du danger ou la manière de le faire cesser, l’autorité administrative a l’obligation de réunir d’urgence, c’est-à-dire dans un délai de 24 heures, le CHSCT compétent. L’inspecteur du travail doit également être informé de cette réunion et peut y assister à titre consultatif. A défaut d’accord, à l’issue de cette réunion entre l’autorité administrative et le CHSCT, l’inspecteur du travail est obligatoirement saisi afin qu’il dresse lui-même un rapport indiquant, s'il y a lieu, les manquements en matière d'hygiène et de sécurité et les mesures proposées pour remédier à la situation. Si le droit de retrait est justifié, quelles sont les conséquences ? Aucune sanction ne peut alors être prise, aucune retenue de rémunération ne peut être effectuée à l’encontre des agents ayant exercé régulièrement leur droit de retrait (article 5-6 II° du décret n° 82-453 du 28 mai 1982). De plus, l’autorité administrative ne peut demander à l’agent ayant usé de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection (article 5-6 I° du décret n° 82-453 du 28 mai 1982). Si le droit de retrait est injustifié, quelles sont les conséquences ? En revanche, si l’utilisation du droit de retrait n’était pas justifiée, l’agent est mis en demeure de prendre ses fonctions et s’expose à des retenues sur traitement (pour absence de service fait), ainsi qu’à des poursuites disciplinaires. Existe-t-il des fonctions incompatibles avec le droit de retrait ? Lorsqu'ils exercent leurs fonctions dans le cadre d'une des missions de secours et de sécurité des personnes et des biens, les fonctionnaires des cadres d'emplois des sapeurs-pompiers, de police municipale et des gardes champêtres ne peuvent se prévaloir du droit de retrait (arrêté du 15 mars 2001 portant détermination des missions de sécurité des personnes et des biens incompatibles avec l'exercice du droit de retrait dans la fonction publique territoriale). Le Coronavirus justifie-t-il l’exercice d’un droit de retrait ? Dans ce contexte d’épidémie de Coronavirus, peut se poser la question de l’utilisation de leur droit de retrait pour les agents publics qui, ne pouvant être placés en télétravail, ont été maintenus en fonction pour assurer la continuité du service public. Toutefois, il convient tout d’abord de s’interroger sur le caractère grave et imminent du danger que représenterait le Coronavirus. En effet, l’existence d’une épidémie ne valide pas de facto tous les droits de retrait. Il conviendra de rechercher, au cas par cas : si l’agent se trouve effectivement dans une zone où les cas de contamination sont extrêmement nombreux (les fameux « clusters ») ; si, du fait de ses fonctions, l’agent peut réellement être en contact avec des personnes infectées ; si l’agent souffre personnellement d’une pathologie susceptible de le classer dans la liste des « personnes à risques » et permettant de considérer qu’il risquerait réellement une atteinte à sa santé en cas de contamination ; si les mesures de protection mises en place par son établissement ou sa collectivité ne sont pas conformes aux recommandations gouvernementales pour lutter contre le Coronavirus. Ainsi, s’agissant de la fonction publique hospitalière, il a pu être jugé que, dès lors qu’un établissement hospitalier, en raison même de sa vocation, devait être apte à faire face au risque de contagion pour ses agents et pour les tiers, l'admission de malades atteints d'affections graves (VIH et Hépatite B) ne saurait par elle-même présenter le caractère d'un danger grave et imminent (Tribunal administratif de Versailles, du 2 juin 1994, inédit au recueil Lebon). Néanmoins, dans le cas du Coronavirus, et de l’aveu même du Gouvernement, les établissements hospitaliers ne disposent pas encore, au jour de la rédaction de cet article, du matériel nécessaire à faire face au risque de contagion pour leurs agents, comme pour les tiers. Or, il est également nécessaire de préciser que l’exercice du droit de retrait doit s'exercer de telle manière qu'il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (article 5-6 III° du décret n°82-453 du 28 mai 1982). Il s’agit là d’une limite au droit de retrait à prendre en considération dans un contexte épidémique comme celui du Coronavirus. Si de nombreux agents des services hospitaliers ou encore des services de police pourraient être tentés d’exercer leur droit de retrait, compte tenu du risque et de l’absence de mesures de protection adéquates, leur retrait aurait pour effet de mettre en danger le reste de la population française. Cette circonstance toucherait à des notions chères au juge administratif telles l’ordre public, la salubrité publique ou encore la continuité du service public, et rendrait l’utilisation du droit de retrait quelque peu périlleuse pour les agents concernés. Ainsi, si des cas exceptionnels de droit de retrait pourraient être envisagés, dans des zones précises où les conditions de protection seraient manifestement et très dangereusement inadéquates, avec possibilité immédiate d’y remédier même de manière partielle, il ne semble pas possible de mettre en œuvre un droit de retrait systématique dans l’ensemble des administrations où les mesures de protection seraient limitées. Plus adéquate, serait peut-être l’utilisation du droit d’alerte du CHSCT, lequel peut se trouver être un instrument de dialogue très efficace, permettant d’alerter sur la carence de protection de la part de l’employeur public et les risques réels d’infection du personnel soignant notamment, et le cas échéant, d’acter une faute qui permettra d’engager la responsabilité des pouvoirs publics en cas de maladies professionnelles par exemple, mais sans aller jusqu’au blocage des services publics, lesquels seraient à l’heure actuelle contreproductifs.

  • Covid-19, organisation des effectifs, réquisition et obligation d'exercer ses fonctions

    Face à la crise sanitaire que vit actuellement la France, les pouvoirs publics s’organisent pour maintenir la continuité de tous les services publics, et plus particulièrement de ceux liés à la santé, soumis tant à l’afflux de malades qu’au manque potentiel de personnel. C’est dans ce cadre qu’on a pu voir fleurir çà et là le terme de « réquisition », et pas uniquement dans le secteur de la santé. La réquisition est un régime exceptionnel, mis en place historiquement par la loi du 11 juillet 1938 et l'ordonnance n° 147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. Elle a été essentiellement par la suite utilisée en temps de grève, sur un fondement jurisprudentiel, en cas d’atteinte « suffisamment grave » à la continuité du service public (CE Sect., 24 février 1961, Isnardon, Rec. p. 150). Néanmoins, la réquisition d’agents publics est également un moyen d’assurer la continuité du service public, hors cas de grève. Mise en place par quelques rares autorités, en circonstances exceptionnelles, elle ne permet pas pour autant permettre de bouleverser les fonctions exercées par les agents. D’autres modalités de mobilisation des agents publics restent par ailleurs possibles, ces derniers restants, hors réquisition, à disposition de leur administration dans les limites des compétences dévolues à leur grade. Les différents régimes de réquisition Outre le régime général jurisprudentiel de réquisition, essentiellement applicable aux cas de grève, et les régimes propres aux armées (livre II de la partie 2 du code de la défense) ou aux services de sécurité civile (articles L. 742-12 du code de la sécurité intérieure), la réquisition des agents publics est régie : · Pour le secteur de la santé, par les articles L. 3131-8 et suivants du code de la santé publique ; · Pour les autres secteurs, par l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales. Pour le secteur de la santé publique, la réquisition de « biens et services » est possible « si l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie ». Elle concerne à la fois « tout établissement de santé ou établissement médico-social », mais également « tout professionnel de santé, quel que soit son mode d'exercice. », incluant ainsi les réquisitions de professionnels libéraux, dans des professions réglementées telles que les médecins, les infirmières ou les sages-femmes. Pour les autres secteurs, la réquisition de « tout bien ou service » et de « toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien » est prévue « en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police. » Il est certain que la crise sanitaire actuelle entre dans le champ d’application de la réquisition prévue par le code de la santé publique, pour tous les personnels des établissements de santé. Cela paraît toutefois être beaucoup moins le cas pour les collectivités territoriales et leurs établissements public (à l’exception des EHPAD, subissant eux les mêmes contraintes et urgences que le secteur de la santé). C’est ce qu’a prévu l’article 12-1 du décret 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, prévoyant que chaque préfet peut ordonner des mesures de réquisitions individuelles ou collectives pour assurer la continuité des établissements de santé dans le cadre de la pandémie de Covid-19 (évitant ainsi toute difficulté d’interprétation liée à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales qui vise lui la « salubrité publique » et non la santé publique). Ont ainsi été réquisitionnés, dans ce cadre, depuis le début de la crise sanitaire, des médecins et infirmiers, qu’ils soient libéraux, salariés, remplaçants mais aussi en formation ou même retraités. En revanche, à notre connaissance, seuls de rares arrêtés de réquisitions ont été pris dans le cadre de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales depuis le début de la pandémie de Covid-19. On trouve ainsi par exemple la réquisition, par arrêté du Préfet de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin du 19 mars dernier, d’une crèche privée en vue d’accueillir les enfants de soignants. Les autorités pouvant mettre en place une réquisition Seul le préfet, et dans le cadre de crises sanitaires, le Premier ministre ou les préfets de zone (art. L. 3131-9 du code de la santé publique), peuvent décider de mesures de réquisition. Ainsi, il n’appartient pas aux exécutifs locaux (maires, présidents de départements, régions ou intercommunalités) ni aux directeurs d’établissements de santé ou médico-sociaux de décider de mesures de réquisition de leurs propres personnels. Les modalités d’organisation de la réquisition Un arrêté prévoyant la réquisition est communiqué à la (ou aux) personne(s) concernée(s), le cas échéant. S’il est évident que l’agent malade ne peut être réquisitionné, l’agent placé en congé annuel pourrait se voir contraint à revenir en service dans le cadre d’une réquisition. Dans cette hypothèse, il est indemnisé des éventuels frais engagés du fait de cette interruption de congés (CE Ass., 9 décembre 1966, req. n° 59687). Le service ou la personne réquisitionnée est soumis à l’organisation exceptionnelle prévue par l’autorité ayant procédé à la réquisition. S’il s’agit d’un service entier, ce sont les règles habituelles de fonctionnement dudit service qui sont applicables. Ainsi, sauf mesure particulière prise pour l’organisation du service (notamment une réorganisation du temps de travail), l’agent ou la personne réquisitionné continue d’exercer ses missions dans le cadre des règles établies par son établissement employeur. Les personnes réquisitionnées dans un établissement mais n’en faisant pas initialement partie appliquent quant à elles les instructions de l’établissement. Il faut noter que dans cette hypothèse, est mise en place une indemnisation particulière des personnes réquisitionnées qui ne seraient pas déjà agent des structures concernées. C’est un arrêté du 28 mars 2020 qui prévoit ces modalités à ce jour dans le cadre du Covid-19. Les sanctions en cas de non-respect des réquisitions Contrairement aux manquements aux obligations statutaires de la fonction publique entraînant des sanctions disciplinaires, le refus de se soumettre à une mesure de réquisition est sanctionné par une peine de six mois d’emprisonnement et 10.000 euros d’amende. La réquisition sur les seules fonctions exercées Les régimes de réquisitions ne dérogent absolument pas à la règle selon laquelle l’emploi d’un agent doit correspondre à son grade (art. 12 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) pas plus qu’aux contrats de recrutement des contractuels de droit public. La réquisition s’effectue ainsi sur les fonctions habituellement exercées par l’agent. Ainsi, aucun agent ne saurait être réquisitionné sur un emploi différent que celui qu’il occupe en temps normal : un adjoint administratif ne saurait donc exercer des missions relevant des corps ou cadres d’emplois du milieu sanitaire et social. L’obligation d’exercer ses missions même en l’absence de réquisition Des mesures ont certes été mises en place afin de permettre le télétravail dans la fonction publique durant cette période exceptionnelle. La période actuelle ne saurait pour autant exonérer les agents publics des obligations d’exercer leurs missions. Par ailleurs, lorsque les missions ne peuvent être exercées en télétravail et ne sont pas indispensables au maintien d’un service minimum, l’agent peut être placé en autorisation spéciale d’absence. En revanche, les employeurs publics peuvent décider que les fonctions exercées par un agent sont indispensables à la continuité du service et ne peuvent s’effectuer dans le cadre d’un télétravail. Dans cette hypothèse, l’employeur public n’a pas à réquisitionner ses agents : même en période exceptionnelle de pandémie, il appartient à chaque agent d’exercer ses missions dans les conditions définies par son administration. La réorganisation par le changement d’affectation ou la mutation Il reste qu’il est possible pour les employeurs publics, en dehors des mesures de réquisition, de réorganiser leurs services dans ces périodes difficiles afin de réaffecter au mieux les effectifs. En effet, si le fonctionnaire est titulaire d’un grade qui lui donne vocation à exercer un emploi qui correspond aux missions de ce dernier, c’est à l’administration qu’il appartient de procéder aux mouvements des agents publics sur les différents emplois. Notons que depuis la loi n° 2019-828 de transformation de la fonction publique, les commissions administratives paritaires n’ont plus à être saisies préalablement à ces mesures. Il reste que cette mutation interne doit s’effectuer sur un emploi vacant. Les employeurs publics peuvent ainsi tout à fait, moyennant création de postes, venir renforcer, même de manière temporaire, les effectifs de certains services avec des agents dont le grade permet d’exercer les fonctions en tension en période de pandémie.

  • Coronavirus : quel régime d’imputabilité au service pour les agents publics hospitaliers ?

    Alors que des mots graves étaient prononcés par le Président de la République dans son allocation du 16 mars 2020, cette « guerre » déclarée contre le Covid-19 - loin d’être silencieuse - est une réalité absolue dans les établissements publics de santé à l’heure où l’on apprend les décès de médecins et de soignants. Souvent « parents pauvres » de la fonction publique, il faut rendre hommage, aux femmes et hommes, qui luttent au sein des Hôpitaux mais également des EPHAD, jours et nuits, pour assurer la continuité des soins, parfois avec des moyens rudimentaires et pour des salaires peu attractifs par rapport à leurs homologues du secteur privé. Pour heure, l’exposition des médecins, des infirmiers, aides-soignants et agents des services hospitaliers, infectés à leurs tours dans leurs activités hospitalières, est un fait avéré pour lequel les pouvoirs publics ne pouvaient rester sans réagir. Au-delà de l’octroi de congés de maladie ordinaire prévus au 2° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière pour le personnel dit soignant ou résultant des dispositions du code de la santé publique pour les médecins hospitaliers, va dès lors nécessairement, à moyen terme, se poser la question de la reconnaissance de l’imputabilité au service de leur état de santé, pour les cas les plus graves. D’où peut-être l’annonce du Premier Ministre, Edouard Philippe, au journal de 20 heures de ce lundi 23 mars que « le coronavirus sera reconnu maladie professionnelle » pour les soignants exposés. Néanmoins, une telle reconnaissance est encore problématique en l’état du droit (A) et non sans aléa dans le temps (B). A) Le coronavirus, une maladie professionnelle ? De prime abord, il faut souligner que la notion retenue par le gouvernement de « maladie » semble bien être la notion juridique adéquate, et ce, à la différence de l’accident du travail comme on a pu l’entendre. Si depuis quelques années déjà, pour définir cette dernière notion d’accident, la jurisprudence administrative a abandonné l’exigence de « l’intervention soudaine et violente d’un événement extérieur » (CE, 24 novembre 1971, Ministre de l’Economie et des Finances c/ Even, Rec. T., p. 1090) en faveur simplement d’un fait accidentel (CE, 30 juin 1995, Caisse des dépôts et consignations, req. n° 124622), il demeure néanmoins difficile d’identifier un tel événement dans le cas du Covid-19. En effet, au regard des connaissances scientifiques actuelles du virus, le temps d’incubation apparaît varier entre trois et quinze jours. Dès lors qu’un personnel manifeste les symptômes du Covid-19, quel pourrait être le fait daté et déterminé si ce n’est l’activité de soins en elle-même de manière diffuse ? Une telle identification est semble-t-il bien mal aisée que ce soit pour l’agent lui-même ou l’administration. En ce point, d’ailleurs, l’interprétation a contrario d’un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 30 juillet 1997, Société Assurances mutuelles de France, req. n° 159366) tend à exclure une telle qualification au profit de la notion de « maladie » : « qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les malaises ou désordres organiques médicalement constatés seraient le résultat d’affectations pathologiques ou de phénomène d’action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaine ». Force est de constater que le Covid-19 entend rassembler de tels éléments constitutifs que soit l’affectation pathologique ou le phénomène d’action lente. C’est pourquoi, en notre sens, le terme de « maladie » est ici adapté. Pour autant, en l’état du droit, la qualification en tant que telle de « maladie professionnelle » du Covid-19 est prématurée. Au sens strict du terme, cette notion est définie par l’article L. 461-1 2° alinéa du code de sécurité sociale en ces termes : « est présumé d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions officielles ». Or, à la différence d’autres agents pathogènes du tableau n° 76 relatif aux « maladies liées à un agent infectieux ou parasitaires contractées en milieu de soin », à l’instar des staphylocoques, entérobactéries, pneumocoques, streptocoques, méningocoques, fièvres hémorragiques (notamment Lassa et Ebola), le coronavirus, ou le Covid-19 dans sa forme actuelle, ne semblent pas s’insérer en tant que tel au sein des tableaux établis. Toutefois, une intégration est possible, et plus que probable au vu de la dernière annonce du Premier Ministre lundi. En cela, il convient de rappeler que ces tableaux des maladies professionnelles, lesquels étaient précédemment établis par décret en Conseil d’Etat, le sont depuis l’ordonnance n° 2005-804 du 18 juillet 2005 et la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, par simples décrets et après l’avis du Conseil d’orientation des conditions de travail. Il appartiendra donc au pouvoir réglementaire d’initier cette intégration. Cependant, pour l’heure, il serait préférable de parler de « maladie contractée en service » ou « d’origine professionnelle », et non de « maladie professionnelle ». S’il est commun de désigner par « maladie professionnelle » toute maladie, dès lors qu’elle a été contractée en service, la jurisprudence du Conseil d’Etat tend ainsi à bien marquer cette distinction. Aussi, il faut séparer trois catégories : - les « maladies professionnelles » officielles entendues de celles inscrites aux tableaux et pour lesquelles l’agent remplit toutes les conditions posées ; - les « maladies reconnues d’origine professionnelles » : il s’agit des maladies liées à l’exercice habituel d’un soignant, pour laquelle il ne remplit pas toutes les conditions posées par le tableau (3ème aliéna de l’article L. 461-1 susvisé), ou qui ne sont pas répertoriées dans un tableau mais qui entraînent le décès du soignant ou une incapacité permanente d’au moins 25 % (alinéa 4 de ce même article) ; - Et, à défaut d’entrer dans l’une ou l’autre des présentes catégories, exceptionnellement, la maladie peut être celle contractée ou aggravé en service. Loin d’être de la pure doctrine, ces différentes catégories juridiques conditionnement l’octroi de garanties, plus ou moins importantes pour l’agent public victime. B) Le coronavirus, avantages et inconvénients de la qualification de maladie professionnelle La reconnaissance de maladies professionnelles en cas de coronavirus ne peut que présenter un avantage pour les agents victimes, dès lors que cette seule qualification peut leur permettre l’octroi des plus amples garanties de protection. A ce stade, c’est-à-dire en l’absence d’inscription du coronavirus dans un quelconque tableau des maladies professionnelles, cela peut poser des difficultés à deux niveaux : - d’une part, du fait de l’inapplication d’un régime de présomption légale ; - et d’autre part, sur l’octroi des garanties statutaires. En premier lieu, en vertu de l’article L. 461-1 2° précité, par renvoi du décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, le Conseil d’Etat semble avoir reconnu, après certaines hésitations, l’application de la présomption d’imputabilité au service au profit des fonctionnaires malades (CE, 10 mars 2006, Caisse des dépôts et consignations c/ Caccavelli, req. n° 267860 ; CE, 6 octobre 2011, Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat c/ Alloro, n° 343350), dès lors que deux conditions étaient réunies : - la maladie doit être désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles ; - et, la maladie doit avoir été dans les conditions mentionnées à ce tableau. Par exemple, en cas de fièvres hémorragiques (type Ebola), la reconnaissance d’une présomption d'imputabilité nécessite « la mise en évidence du virus et/ou la présence d’anticorps spécifiques à taux significatif » et sous couvert de « tous travaux effectués par les personnels de soins et assimilés et autres personnels du service d’hospitalisation ». En conséquence, l’agent n’a pas à établir la preuve de l’imputabilité au service de son affection, c’est-à-dire, un lien direct entre la pathologie et l’activité de soins. Or, tel n’est pas le cas pour les maladies contractées en service ou d’origine professionnelles, à l’instar du Covid-19 à ce jour. Entendons-le, cette absence de présomption ne saurait bloquer la reconnaissance d’imputabilité au service, mais peut la rendre plus complexe. Car, en pareil cas, il appartiendra à l’agent lui-même d’apporter la preuve de l’affection, ce qui présuppose un test réalisé, et un lien avec le service ou son travail habituel. Ce dernier point peut poser problème, quand l’agent infecté par le virus n’a pas été en contact direct ou avéré avec un patient détecté positif au Covid-19. Par exemple, une sage-femme hospitalière peut très bien se trouver infectée par une patiente asymptomatique au Covid-19, non détectée, dans sa prise en charge. En second lieu, s’agissant des garanties statutaires offertes en cas de reconnaissance d’une maladie professionnelle figurent principalement : - d’une part, le maintien de la rémunération à plein traitement et la prise en charge des soins ; - et à terme, d’autre part, l’allocation temporaire d’invalidité laquelle entend réparer le préjudice résultant du dommage corporel qui est lié à la perte de la capacité de travail. S’agissant des premières garanties, soulignons qu’il existe une première difficulté liée à l’inapplication du nouvel article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dans la fonction publique hospitalière - faute de la publication des décrets à la différence des deux autres fonctions publiques -, laquelle peut rendre plus ardue la reconnaissance de l’imputabilité au service. L’article 21 bis précité prévoit en effet que : « Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (…) Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ». Fort heureusement, des dispositions analogues étaient prévues au 2° de l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986. Les établissements, et tout particulièrement les gestionnaires RH, devront donc faire avec les notions existantes de « congé spécial », et non de CITIS (congé pour invalidité temporaire imputable au service). Les garanties seront en principe identiques, à savoir : maintien de la rémunération et prise en charge des soins par l’établissement. Toutefois, encore faudrait-il que le processus de reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie soit également identique au sein de ces deux dispositifs. Tel n’est évidemment pas le cas. En effet, sous l’égide des dispositions de l’article 41 précité, pour lesquelles aucun renvoi n’était opéré au code de la sécurité sociale, le Conseil d’Etat estime que l’inscription au tableau d’une maladie ne permet pas d’invoquer une présomption d’imputabilité pour l’application du congé dit « spécial », et donc admettre l’octroi de la rémunération à 100 % et la prise en charge des soins (CE, 23 juillet 2012, Ministre du Budget, des comptes publics et de la Réforme de l’Etat c/ Mme Lami Hurier, req. n° 349726). Aussi, la preuve de l’imputabilité sera à la charge victime. Or, le législateur par l’article 21 bis a entendu mettre un terme de cette divergence absurde quant à l’inapplication de la présomption légale en renvoyant clairement à l’article L. 461-1 du code de la sécurité, ainsi qu’en clarifiant les régimes de maladie en ces termes : « est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ». Il résulte dès lors trois régimes possibles de maladie contractée en service : - la « maladie professionnelle » officielle, avec une présomption légale d’imputabilité, lorsque l’agent public remplit l’ensemble des conditions posées par le tableau ; - les maladies d’origine professionnelle, où la preuve du lien avec les fonctions doit être rapporté dès lors l’agent ne remplit que quelques conditions du tableau ; - la maladie d’origine professionnelle également, qui n’est pas répertoriée dans le tableau mais qui entraîne un incapacité permanente. En définitive, pour l’heure, force est de constater que, dans le cas présent du Covid-19, la reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie est rendue complexe et peu facilitée pour l’agent victime, en l’état, premièrement du fait de l’inapplication du CITIS à la fonction publique hospitalière, et deuxièmement du fait de l’absence d’inscription à un tableau des maladies professionnelles. Concernant les autres garanties, notamment l’allocation temporaire d’invalidité (ci-après dénommée « ATI »), telle qu’il en résulte du décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, en l’absence d’inscription aux tableaux du coronavirus, et donc de présomption d’imputabilité, son octroi parait plus difficile à obtenir. En effet, il appartiendra à l’agent de rapporter la preuve de l’origine professionnelle de la maladie dans les conditions posées à l’alinéa 4 de de l’article L. 461-1 susvisé, c’est-à-dire, selon ces dispositions, la preuve d’une incapacité permanente d’au moins 25 %. Enfin pour ce qui est de la rente d’invalidité viagère si cette notion est octroyée indépendamment de la non-reconnaissance de la maladie d’origine professionnelle, encore faut-il que l’imputabilité au service soit avérée. En résumé, il s’agit en quelque sorte d’un « jeu sans fin » dans lequel l’agent victime est toujours obligé d’apporter la preuve du lien avec le service quelles que soient les garanties sollicitées (maintien du traitement, prise en charge de soins, ATI, etc.). Naturellement, la reconnaissance du coronavirus comme maladie professionnelle « officielle » faciliterait grandement les choses en raison de la présomption légale d’imputabilité au service qu’elle engendrerait, mais elle ne résoudra pas l’inapplication du CITIS à la fonction publique hospitalière. Il demeure que, devant l’urgence sanitaire nationale, le mécanisme le plus efficace à long terme serait de mettre en place un fond d’indemnisation national à l’image de l’ONIAM (office national d'indemnisation des accidents médicaux.) ou du CIVEN (comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires), solution apparemment d’ores-et-déjà envisagée par le gouvernement.

  • La rupture conventionnelle dans la fonction publique : comment ça marche ?

    A qui s’applique la rupture conventionnelle ? Aux agents contractuels en CDI et aux fonctionnaires titulaires. Pour les titulaires, le dispositif est une expérimentation qui ne sera ouverte que jusqu’au 31 décembre 2025. En revanche, aucune limite de temps n’est posée pour les contractuels. Les stagiaires ou les fonctionnaires ayant atteint l’âge d'ouverture du droit à une pension de retraite en sont exclus. Comment demander une rupture conventionnelle ? L’agent peut demander l’engagement d’une procédure de rupture conventionnelle par l’envoi d’un simple courrier recommandé avec accusé de réception ou remis en main propre contre décharge, adressé au service des ressources humaines ou à l’autorité investie du pouvoir de nomination (le maire de la commune, le directeur général de l’établissement public de santé, le président de l’établissement public, etc.) L’administration peut également être à l’initiative de la procédure. Comment se déroule la procédure de rupture conventionnelle ? L’agent et l’administration doivent organiser au moins une réunion de négociation avant la conclusion ou non de la rupture conventionnelle. Elle doit avoir lieu dans un délai minimum de 10 jours francs et maximum de 30 jours francs après la réception de la demande de rupture. Comment négocier sa rupture conventionnelle ? L’agent peut négocier seul sa rupture conventionnelle avec son employeur public ou, après en avoir informé l’administration, se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix. Naturellement, et sous réserve d’acceptation par son administration, l’agent peut également se faire assister d’un avocat. Du côté de l’administration, l’entretien doit être tenu par l’autorité hiérarchique de l’agent ou l’autorité investie de pouvoir de nomination. Que doit-on négocier ? Certains sujets doivent obligatoirement être abordés au cours de la réunion de négociation : Les motifs de la demande de rupture conventionnelle et son principe, La date envisagée de la fin du contrat, Le montant envisagé de l’indemnité de rupture conventionnelle, Les conséquences de la rupture conventionnelle. Quel est le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle ? L’indemnité de rupture conventionnelle, contrairement au secteur privé, est encadrée entre un montant plancher et un montant plafond. Ainsi, l’agent public doit au minimum percevoir : · Jusqu’à 10 ans, 1/4 de mois de rémunération brute par année d’ancienneté ; · De 10 à 15 ans, 2/5e de mois de rémunération brute par année d’ancienneté ; · De 15 à 20 ans, 1/2 mois de rémunération brute par année d’ancienneté ; · De 20 à 24 ans, 3/5e de mois de rémunération brute par année d’ancienneté. En revanche, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne pourra pas être supérieur à 1/12e de la rémunération brute annuelle par année d’ancienneté, dans la limite de 24 ans d’ancienneté. Que doit-on mettre dans la convention ? Un arrêté du 6 février 2020 a fixé des modèles de convention de rupture conventionnelle, lesquels comportent des articles relatifs à : La désignation des parties ; La procédure ayant précédé la rupture ; Aux conditions de cessation définitive des fonctions (date de cessation, montant de l’indemnité spécifique, obligation de remboursement, respect des obligations déontologiques) En l’état, ces mentions paraissent pour le moins incomplètes, si ce n’est lacunaires. Elles échouent à définir clairement et explicitement les obligations de chacune des parties, avant et après signature, et les conséquences d’une violation des dispositions de la convention. Une rédaction plus précise est à privilégier pour sauvegarder tant les intérêts de l’agent que de l’administration. Existe-t-il une obligation de signer la rupture conventionnelle ? La rupture conventionnelle reste un contrat, qui ne peut être conclu sans l’accord commun des deux parties. Si l’une des parties est contrainte ou trompée en vue de signer la rupture, la convention conclue sera viciée et encourra la nullité. Ainsi, si l’agent ne peut pas être « poussé vers la sortie » au moyen d’une rupture conventionnelle, l’administration ne peut pas non plus être contrainte d’offrir le bénéfice de cette procédure à ses agents. Dans quel délai signer la rupture conventionnelle ? La convention ne peut être signée qu’après le respect d’un délai de 15 jours francs suivant le premier entretien de négociation. Est-il possible de changer d’avis après avoir signé ? Oui, chacune des parties peut se rétracter, après la signature, en adressant un courrier recommandé avec accusé de réception ou remis en main propre contre décharge à l’autre partie dans le délai de rétractation de 15 jours. Quelles sont les conséquences de la signature de la rupture conventionnelle ? Après la signature de la rupture conventionnelle, l’agent est radié des cadres ou des effectifs de l’administration et perd sa qualité de fonctionnaire. Le fonctionnaire ou l’agent contractuel peut demander à percevoir des ARE (allocations chômage). En contrepartie, l’ancien agent public sera tenu de continuer de respecter les obligations déontologiques prévues aux articles 25 octies (conflits d’intérêts) et 26 (secret professionnel) de la loi du 13 juillet 1983, même après radiation des cadres. Il devra également rembourser son indemnité de rupture conventionnelle s’il venait à être recruté par le même employeur public dans les six années suivant la rupture. La rupture conventionnelle met-elle fin à tout litige entre l’agent et l’employeur public ? Non, la rupture conventionnelle sert à convenir en commun des conditions de la cessation des fonctions de l’agent titulaire ou contractuel. Elle n’a pas pour vocation d’éteindre un litige né à l’occasion de l’exercice des fonctions, ni à indemniser l’agent de ses éventuels préjudices. Pour cela, il sera possible de conclure, parallèlement à la rupture conventionnelle, un protocole d’accord transactionnel qui viendra réparer les préjudices subis par l’agent dans le cadre de l’exécution de ses fonctions, ou de rechercher la résolution du litige devant la juridiction administrative.

  • Sous-locations et domiciliations à Paris 11e

    Créé en 2017, Officio avocats est un cabinet convivial, dynamique et en pleine expansion, entièrement dédié au droit de la fonction publique. Nous proposons des sous-locations dans nos locaux de 114 m2, refaits à neuf et situés avenue de la République (métros République, Oberkampf, Goncourt, Parmentier), pour un montant mensuel de 800 euros HT. Vous disposerez des services suivants : Utilisation de l’adresse postale du cabinet ; Accueil physique de vos clients ; Réception courrier simple et recommandé ; Transfert du courrier recommandé par email ; Transfert de vos appels téléphoniques ou envoi d’un mail en cas d’indisponibilité ; Mise à disposition à temps plein d’un bureau partagé à quatre de 21 m2, lumineux et nouvellement équipé (bureau, chaise de bureau, meuble de rangement avec verrou, lampe de bureau, téléphone fixe, photocopieur, imprimante et scanner) ; Mise à disposition d’un casier fermé pour vos courriers et dossiers ; Internet en WIFI ; Accès à la salle de réunion (15 m2) et à deux petits bureaux de rendez-vous (15 m2 et 12 m2), pour recevoir vos clients, selon agenda électronique ; Accès libre à la cuisine équipée et à la salle de convivialité. Nous proposons également des domiciliations, pour un montant mensuel de 300 euros HT. Vous disposerez des services suivants : Utilisation de l’adresse postale du cabinet ; Accueil physique de vos clients ; Réception courrier simple et recommandé ; Transfert du courrier recommandé par email ; Accès à la salle de réunion (15 m2) et à deux petits bureaux de travail (15 m2 et 12 m2), pour recevoir, selon agenda électronique (5h /semaine) ; Mise à disposition d’un casier fermé pour vos courriers et dossiers ; Accès libre à la cuisine équipée et à la salle de convivialité ; Accès au photocopieur/ scan / fax ; Internet en WIFI Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter : cabinet@officioavocats.com

  • Droit de retrait et SNCF

    À la suite de la collision, sur un passage à niveau en Champagne-Ardenne, entre un train ne comportant à son bord qu’un unique agent (le conducteur) et un poids lourd transportant du matériel agricole, les cheminots ont exercé leur droit de retrait, à compter du vendredi 18 octobre dernier. Ils critiquaient le fait que, dans cette situation, le conducteur, éventuellement blessé comme c’était le cas en l’espèce, se retrouvait seul pour gérer l’accident et les passagers. Cette décision a fait couler beaucoup d’encre et suscité de vives réactions durant le week-end, à commencer par celles du Premier ministre, Édouard Philippe et du président de la SNCF, Guillaume Pépy, qui ont respectivement parlé d’une grève « sauvage » ou « surprise » pour dénoncer la mesure. Or, ce droit méconnu des employeurs comme des employés n’est pas assimilable à une grève, ni dans sa forme ni dans sa finalité. Aussi, face aux articles discordants des deux derniers jours, deux questions persistent. S’agissait-il d’ « un détournement du droit de retrait » et les agents s’exposent-ils donc à des sanctions ou poursuites ? Dans la fonction publique, comme dans le secteur privé, le droit de retrait est ouvert à tout agent qui a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent ou qui constate une défectuosité dans les systèmes de protection (article 5-6 du Décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ; articles L. 4133-1 à L. 4133-4 du code du travail). Le danger en cause doit être grave. Selon une circulaire n° 93/15 du 25 mars 1993 relative à l'application de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 de la Direction générale du travail, un danger grave est « un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ». Le danger doit également être imminent, signifiant que le danger est « susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché ». L’imminence du danger suppose qu’il ne se soit pas encore réalisé mais qu’il soit susceptible de se concrétiser dans un bref délai. Le juge vérifie, au cas par cas, non pas si la situation de travail était objectivement dangereuse, mais si l’agent ou le salarié faisait état d’un motif raisonnable de penser que cette situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé. Cela signifie que l’agent n’a pas à prouver la réalité du danger, mais qu’il doit simplement avoir un motif raisonnable de penser qu’un tel danger existe. Le constat qu’il n’y ait, objectivement, aucun danger – ou que le danger ne se soit pas réalisé – ne prive pas l’agent de la protection attachée au droit de retrait. Si toutes ces conditions cumulatives se trouvent réunies, le droit de retrait sera considéré comme légitime et l’agent ne pourra faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire, ni d’aucune retenue sur rémunération. Aussi, lorsque le Premier ministre, Édouard Philippe indique avoir demandé à la SNCF « d’examiner toutes les suites, y compris judiciaires » afin de sanctionner les cheminots auteurs de ce droit de retrait, sa demande relève plus d’un effet d’annonce que d’une réalité légale. En l’espèce, il sera nécessaire d’examiner au cas par cas la situation des agents ayant exercé leur droit de retrait. Notamment, il conviendra de distinguer la situation des agents étant dans un dispositif « EAS » (équipement agent seul), lesquels étaient parfaitement légitimes à utiliser leur droit de retrait, des autres agents. C’est en ce sens que l’inspecteur du travail de Champagne-Ardenne, où a eu lieu l’accident, a demandé à la direction de la SNCF de la région d’agir : « Il vous appartient de procéder à une sérieuse actualisation de votre évaluation des risques à la suite de cet accident concernant le poste de travail isolé de conducteur dans le cadre du dispositif EAS ». S’agissait-il d’ « une grève surprise » ? L’exercice du droit de retrait nécessite toutefois que l’agent ou le salarié informe préalablement ou de façon concomitante son employeur, voire un membre du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de la situation de danger grave et imminent qu’il a identifié. Ce droit d’alerte peut être effectué verbalement ou par écrit (Cass. soc. 28 mai 2008, req. n° 07-15744 ; Conseil d’État, 11 juillet 1990, req. n° 85416). A défaut, l’agent ou le salarié pourrait faire l’objet de sanctions disciplinaires, allant jusqu’à un licenciement pour faute grave, pour avoir omis de prévenir l’employeur et placé ses collègues dans une situation d’insécurité (article L4132-1 du Code du travail ; Cass. soc., 21 janvier 2009, req. n° 07-41935). Une fois le CHSCT informé du signalement effectué, lequel doit être consigné sur un registre (décret n° 82-453 du 28 mai 1982, article 5-7), le comité doit être réuni en urgence, dans les 24 heures, et une enquête doit être diligentée par l’employeur, qu’il soit public ou privé. En cas de divergence, entre l’employeur et le CHSCT, sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l'employeur (article L. 4132-4 du code du travail). Il peut alors mettre en demeure l'employeur de prendre toutes mesures utiles pour remédier à la situation dangereuse qu’il constate (article L.4721-1 du code du travail), voire saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque (article L. 4732-1 du code du travail). Ainsi, contrairement à ce que dénonce le président de la SNCF, il ne pouvait pas s’agir d’ « une grève sans préavis » ou « surprise », l’employeur et le CHSCT étant nécessairement alerté et informé de l’exercice du droit de retrait des agents. Enfin, la circonstance que de nombreux agents aient simultanément utilisé leur droit de retrait n’emporte pas pour autant la qualification de grève. Le juge a ainsi admis que le droit de retrait puisse être utilisé de façon collective, dès lors que chaque agent concerné était en position de démontrer qu’il disposait d’un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé (Cass. soc. 22 octobre 2008, req. n° 07-43740 s’agissant du droit de retrait exercé par 26 agents d’une région de la SNCF à la suite d’une agression de contrôleurs en mars 2005). #Droitderetrait #Droitdalerte #Droitdutravail #SNCF #Cheminots #Droitdegrève

  • La procédure de transparence de l’accès des contractuels aux emplois permanents dévoilée

    Comme nous l’avions indiqué en août dernier (voir notre article à ce sujet), les dispositions de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique étaient soumises à la publication de nombreux décrets venant compléter certains des principes dégagés par le Parlement. A ce titre, le nouvel article 32 du Titre Ier du Statut (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) prévoit que « le recrutement d'agents contractuels pour pourvoir des emplois permanents est prononcé à l'issue d'une procédure permettant de garantir l'égal accès aux emplois publics », renvoyant sa définition à un décret en Conseil d’Etat. Le projet de décret, qui sera soumis à l’examen du Conseil commun de la fonction publique du 17 octobre prochain, a été dévoilé. Il ne concerne pour l’instant que les fonctions publiques de l’Etat et territoriale. Le contenu du projet permet néanmoins d’avoir une idée d’ensemble plutôt nette sur la manière dont le gouvernement envisage cette procédure d’égal accès aux emplois permanents de la fonction publique par des contractuels. Le Gouvernement semble souhaiter une large marge de manœuvre à chaque autorité de recrutement pour définir les modalités de cette procédure. L’article 1er du projet prévoit ainsi que « La procédure de recrutement […] est organisée dans les conditions prévues par le présent décret, sans préjudice de modalités complémentaires fixées par l’autorité de recrutement. » L’article 2 prévoit que « les modalités de la procédure de recrutement » devront en réalité être élaborées par chaque autorité de recrutement, lesquelles devront les publier afin que chaque candidat en ait connaissance. Le reste des dispositions est bien maigre quant à la concrétisation de la procédure. Le projet se contente ainsi d’indiquer que « L’appréciation portée sur chaque candidature est fondée sur les compétences, les aptitudes, l’expérience professionnelle du candidat et sa capacité à exercer les missions dévolues à l’emploi à pourvoir. » Il prévoit également la fixation par l’administration d’un délai minimum d’un mois à compter de la publication de la création du poste ou de la vacance d’emploi pour permettre aux candidats potentiels de faire acte d’intérêt sur le poste ouvert. En réalité, sur ces points, le décret ne fait que reprendre la jurisprudence applicable, qui impose déjà, pour le recrutement d’agents contractuels sur un emploi permanent, selon la règle (qui n’a pas disparu) de recrutement prioritaire de fonctionnaires (art. 3 de la loi n° 83-634 précitée), d’une part un délai minimal de publication de vacance avant recrutement d’un agent contractuel pour apprécier les mérites des candidats et l’éventuelle possibilité de recruter un fonctionnaire (CE, 16 juin 1997, CCAS du Mans, req. n° 149088 et 157666 ; CE, 20 mars 1996, OPHLM de la Communauté urbaine du Mans, req. n° 152651 ; CAA Paris, 13 octobre 2009, Préfet du Val-de-Marne c/ Commune de Limeil-Brevannes, req. n° 08PA01647) d’autre part une analyse circonstanciée des mérites propres du candidat contractuel par rapport aux candidatures de fonctionnaires (CAA Nantes, 7 décembre 2001, OPHLM du Cher c/ Voiron, req. n° 00NT01785). Le décret envisage simplement par la suite la mise en place d’un examen préalable de recevabilité des candidatures au regard des critères développés ci-avant, puis la convocation des candidats retenus à un entretien, la mise en place d’un document précisant les appréciations portées sur le candidat reçu en entretien, et l’information des candidats s’ils ne sont pas retenus. Il distingue les cas dans lesquels l’entretien doit être conduit par l’autorité hiérarchique seule, de ceux dans lesquels un représentant du service des ressources humaines doit également être présent. Il est enfin prévu que la procédure de recrutement ne s’applique pas aux cas de renouvellements de contrats à durée déterminée sur un même emploi, sauf dans les cas de recrutement dits « nature et besoins », pour lesquels il est simplement précisé que « la décision de renouvellement ne peut intervenir avant le constat du caractère infructueux de la procédure de recrutement d’un fonctionnaire. » On peine à comprendre l’intérêt de cette précision, puisque cette obligation était déjà présente en jurisprudence (CE, 29 décembre 1995, Préfet du Val d’Oise, req. n° 118654 ; CAA Nantes, 1er juin 2007, Préfet d’Indre-et-Loire, req. n° 06NT01238). Le projet de décret laisse, pour le reste, les autorités de recrutement totalement libres de prévoir des modalités complémentaires, et notamment la possibilité de confier l’analyse préalable des candidatures à un organisme extérieur. En somme, le projet de décret se contente de rappeler la jurisprudence applicable, et d’imposer l’organisation d’un recrutement des contractuels sur des emplois permanents en quatre phases : L’examen de la recevabilité des candidatures au regard des compétences, les aptitudes, l’expérience professionnelle du candidat et sa capacité à exercer les missions dévolues à l’emploi à pourvoir ; La réalisation d’entretien des candidats présélectionnés ; L’établissement d’un document relatif aux appréciations portées sur les candidats reçus en entretien ; L’information des candidats non retenus. Il s’agit, semble-t-il, d’une procédure très classique de recrutement à laquelle s’adonnaient déjà la quasi-totalité des administrations publiques. Il n’est, en revanche, nulle part dans ce projet mention des modalités de comparaison des mérites des candidats (ce qui était pourtant le principe même envisagé par la loi), pas plus qu’il n’est indiqué dans quelles conditions une candidature peut être écartée au stade la recevabilité plutôt qu’au stade de l’entretien (puisque les critères d’analyse sont identiques aux deux stades). En l’état, les managers publics se verraient donc contraints de formaliser une procédure de recrutement, mais modulable, ajoutant aux obligations déjà prévues en jurisprudence, sans pour autant avoir de lignes directrices sur la manière (ou les obligations) de comparaison des mérites des candidats contractuels. Le projet de décret impose ainsi de mettre en place un système de recrutement sans donner de réelles lignes directrices à ses destinataires, et ne semble pas du tout répondre à l’objectif fixé par le Parlement tendant à assurer l’égal accès aux emplois publics des agents contractuels. Il est éminemment souhaitable qu’un tel projet soit largement complété, sans quoi il ne viendrait que créer des procédures supplémentaires sans réelle utilité au regard du principe d’égal accès aux emplois publics, alourdissant le travail des managers locaux dans la comparaison déjà existante entre les mérites de candidats fonctionnaires et contractuels. Plus globalement, ce projet est révélateur de l’inquiétante précipitation avec laquelle le Gouvernement entend mettre en application, par décrets, les multiples procédures prévues par la loi du 6 août 2019 (le projet de décret relatif aux compétences des CAP et à la mise en place des lignes directrice de gestion étant déjà sur table, et l’agenda du conseil commun de la fonction publique et des trois conseils spécifiques étant dédié à ladite loi jusqu’en décembre 2019), qui contraste avec les contenus vagues et peu fournis des projets, laissant à ce stade de l’exécution de la loi les managers publics face à des incertitudes quant aux modalités de mise en place concrète de la réforme. #Agentcontractuel #Egalaccèsauxemploispublics #Loidetransformationdelafonctionpublique #Procédurederecrutement

  • L’absence de médecin spécialisé au sein des commissions de réforme n’est pas une irrégularité « Dant

    Dans sa décision du 24 juillet 2019 (CE, 24 juillet 2019, req. n° 417902), le Conseil d’Etat vient confirmer sa jurisprudence en la matière à l’aube de l’arrêt Danthony. Rappelons que, par cet arrêt emblématique, la haute juridiction avait admis que, « un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie (CE, ass., 23 décembre 2011, req. n° 335033) ». Restreignant ainsi le caractère automatique de l’annulation, le juge administratif se posait ici la question de savoir si l’absence de médecin spécialisé au sein des commissions de réforme était bien un vice sanctionnable. En vertu des dispositions de l’article 3 de l’arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, cette commission devait comprendre : « 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l'administration ; 3. Deux représentants du personnel ». Or, le conseil d’Etat avait estimé que la présence d’un médecin spécialiste demeurait obligatoire lorsque les séquelles de la maladie et sa complexité rendait nécessaire l’éclairage d’un spécialiste lors du passage de l’agent en commission (CE, 6 février 1981, req. n° 16288). Ainsi, l’apport de l’arrêt du 24 juillet dernier est double. D’une part, il confirme que l’absence de médecin spécialité agréé n’est pas « Danthonysable », en ces termes : « il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée ». Et d’autre part, il permet d’apprécier un peu mieux dans quels cas le recours au médecin spécialiste est indispensable, comme en l’espèce s’agissant de la présence d’un neurologue. Or, « en s'abstenant de rechercher s'il ressortait manifestement des éléments dont elle disposait que la présence d'un médecin spécialiste en neurologie était nécessaire lors du passage de Mme A...devant la commission de réforme, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit qui en justifie l'annulation ». En ce point, la haute juridiction avait déjà pu en juger ainsi dans l’hypothèse l’avis d’un neuropsychiatre (CE, 6 février 1981, précité). #Commissionderéforme #Danthony #Médecinexpert

  • Protection fonctionnelle et diffamation par voie de presse

    Par une décision du 24 juillet 2019 (req. n° 430253), le Conseil d’État a rappelé que la protection fonctionnelle peut prendre, au gré des circonstances de chaque espèce et de l’appréciation de l’administration, de multiples formes. En effet, aux termes des dispositions de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée ». En l’espèce, M.B..., responsable du pôle pilotage et ressources de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques a été mis en cause publiquement par un député dont il estimait les allégations, reprises dans le journal " La République des Pyrénées ", diffamatoires à son endroit. Par un courriel 25 janvier 2019, M.B... a demandé à sa hiérarchie de l'autoriser à adresser un droit de réponse au journal " La République des Pyrénées " sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et de valider le projet de droit de réponse qu'il avait rédigé. Par courrier du 7 février 2019 notifié à l'intéressé le 26 février, le chef du service des ressources humaines de la direction générale des finances publiques a rejeté sa demande d'autorisation d'exercer un droit de réponse. Par une ordonnance n° 1900735 du 17 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics de procéder au réexamen de la demande de M. B...dans un délai de six jours. Après avoir exposé que cette ordonnance était entachée d’une erreur de droit, le juge de cassation a rappelé qu’il existait une obligation de protection des agents victimes d’attaques dans le cadre de leurs fonctions, obligation à laquelle il ne pouvait être dérogé que sous le contrôle du juge, et uniquement pour motifs d’intérêt général : « Les dispositions précitées au point 3 établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances. » Ainsi, le Conseil d’État a compilé et réitéré deux aspects fondamentaux de la protection fonctionnelle : D’une part, la protection fonctionnelle due aux agents victimes, notamment de diffamations, peut prendre de multiples formes, parmi lesquelles une expression publique telle qu’un droit de réponse au média (Conseil d'État, 18 mars 1994, req. n° 92410, publié au recueil Lebon p. 147) ; D’autre part, l’administration apprécie librement, compte tenu du contexte, le cas échéant sous le contrôle du juge, quelles sont les modalités appropriées pour assurer la protection des agents (Conseil d'État, 28 décembre 2009, req. n° 317080, Publié au recueil Lebon p. 532). En l’espèce, il est cependant dommage que la Haute juridiction n'ait pas pris position sur le fond, et plus précisément sur le point de savoir si l’administration pouvait, à bon droit, estimer que le droit de réponse de M. B… était approprié pour assurer sa protection : « Compte tenu du contexte à la date de la présente ordonnance et notamment de ce qu’est close la polémique, à l’origine des propos publics visant personnellement M. B… et que celui-ci a considéré diffamatoires, liée à la fermeture envisagée un temps et désormais abandonnée de la trésorerie de Bedous, il n’apparaît pas que la condition d’urgence posée par les dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative soit satisfaite. Par suite, la demande de M. B… doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. » -- Officio avocats Avocats en droit de la fonction publique #Protectionfonctionnelle #Diffamation #Droitderéponse

  • Publication de la loi de transformation de la fonction publique : inventaire des grands changements

    La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a été publiée au Journal officiel le 7 août dernier, après avoir été validée par le Conseil constitutionnel le 1er août. Malgré les nombreux débats et modifications apportées par le Sénat lors de son examen du projet de loi, le texte reste relativement conforme au projet initial. Si la loi du 6 août 2019 constitue un véritable inventaire de modifications en tout genre, des plus fondamentales aux plus anodines (I), elle s’accompagne de dates d’entrée en vigueur totalement éclatées et conditionnées (II). Son application reste par ailleurs sujette à de multiples modifications et compléments à venir par ordonnances (III). I- Aperçu des principales modifications de la loi Il est impossible de faire état de manière exhaustive, dans un bref article, de l’intégralité des changements prévus par la loi n° 2019-828. Retenons toutefois les principales modifications, qui suivent pour la plupart celles prévues initialement par le Gouvernement, dont le projet général est largement déduit des grands titres de la loi. Ainsi, par son titre Ier (Promouvoir un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect des garanties des agents publics), le texte restreint de manière assez importante les cas de saisine préalable des commissions administratives paritaires (CAP) [1]. Celles-ci perdent leur compétence en matière de cumul d’activités, de projets de départ vers le secteur privé, de promotion interne, de mutation interne et changement d’affectation, de détachement, d’avancement d’échelon, de tableau d’avancement, ainsi que suppression d’emploi et de placement en surnombre. Elles perdent également leur rôle de conseils de discipline de recours, qui disparaissent tout simplement des voies de recours ouvertes aux agents à l’encontre d’une sanction disciplinaire [2]. La loi procède également à la fusion des comités techniques (CT) et des comités hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT) dans les comités sociaux d’administration (CSA) pour la fonction publique de L’État et les OPH, les comités sociaux territoriaux (CST) pour la fonction publique territoriale, et les comités sociaux d’établissement (CSE) pour la fonction publique hospitalière [3]. Notons que cela met fin à la spécificité de gestion des CHSCT de l’hospitalière selon les dispositions du code du travail : les futurs CSE seront régis par les dispositions du statut de la fonction publique [4]. Ces comités pourront se voir adjoindre une « formation spécialisée en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail » dans les entités dépassant les 200 agents. Est enfin instauré un « rapport social annuel relatif aux lignes directrices de gestion » mises en place pour déterminer la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, notamment en matière de GPEC [5] [6], et sur lesquelles les CSA/CST/CSE donneront leur avis. Le titre II (Transformer et simplifier la gestion des ressources humaines) est essentiellement constitué de l’élargissement du recours au contrat. La loi vient ouvrir de manière drastique les postes aux contractuels : Extension très importante des recrutements directs dans les emplois de direction des trois fonctions publiques [7] ; Mise en place du très décrié « contrat de projet », contrat à durée non déterminée, dont la fin n’est déterminée que par la fin de la mission pour laquelle l'agent a été recruté [8] ; Ouverture des contrats dits « nature et besoins » à toutes les catégories hiérarchiques et non plus uniquement aux emplois de catégorie A [9] ; Ouverture, pour la fonction publique hospitalière, des recrutements pour accroissement saisonnier d’activité [10] et extension des possibilités de recrutement de contractuels pour remplacement de fonctionnaire pour la fonction publique de l’État [11] ; Ouverture aux contractuels de l’intégralité des postes dans les collectivités de moins de 1000 habitants et dans les EPCI [12] de moins de 15 000 habitants [13] ; Ouverture à toutes les administrations des recrutements de contractuels sur les emplois à temps non complet de moins de 50 % [14]. On peut apercevoir une certaine précarité de la situation des contractuels de la territoriale, outre dans le contrat de projet, dans une disposition qui pourrait paraître anodine : la loi supprime l’obligation, dans la fonction publique territoriale, de « stagiairiser » un contractuel reçu au concours au plus tard à la fin de son contrat, cette « stagiairisation » ne devenant qu’une simple possibilité [15]. Le titre II vient également généraliser l’entretien professionnel aux trois fonctions publiques en lieu et place de l'ancienne notation encore en vigueur dans la fonction publique hospitalière [16], mais aussi prévoir la possibilité d’un intéressement collectif lié à la qualité du service pour la rémunération des fonctionnaires hospitaliers [17] et de tenir compte des « résultats collectifs du service » dans la fonction publique territoriale [18], sans toutefois donner plus de définition de ces éléments. En matière de discipline, le titre II supprime, comme il a été rappelé, les conseils de discipline de recours [2]. Il crée par ailleurs une procédure d’assistance des témoins, et supprime l’interdiction, pour les membres du conseil de discipline, d’être d’un grade inférieur à celui de l’agent auditionné [19]. Le titre III (Simplifier le cadre de gestion des agents publics) traite en premier lieu de déontologie : il supprime la commission de déontologie en en confiant les missions à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP), puis vient limiter, comme annoncé dans le projet initial, les cas de saisine obligatoire de l’instance en cas de départ vers le privé, en confiant l’analyse essentiellement au chef de service et au référent-déontologue. Si est créée une interrogation obligatoire en matière de conflits d’intérêts lors du retour d’un agent depuis le privé [20], cette restriction des cas de saisine obligatoire d'un organisme indépendant est à contre-courant de l'exemplarité recherchée, tant dans l'opinion publique que par le juge pénal, chez les agents publics [21]. Le titre III prévoit également une procédure de publication de la somme des plus hautes rémunérations d'agents de certaines administrations [22]. Il prévoit en outre la possibilité de mutualiser les services de médecine préventive, et crée le congé « proche aidant ». Plus étonnant, si est prévue la possibilité de suivre une formation pendant un congé pour raison de santé, l’article 40 III prévoit également la possibilité pour un fonctionnaire territorial malade d’être mis à disposition du centre de gestion pour effectuer des remplacements… La loi met également totalement fin aux régimes de temps de travail dérogatoires aux 1607 heures annuelles (comme c’était le cas dans la fonction publique territoriale) [23]. On y trouve aussi la possibilité pour les centres de gestion de la fonction publique territoriale de fusionner en centres interdépartementaux de gestion uniques [24], mais également l’idée d’une déconcentration de la gestion des personnels de direction et directeurs de soins de l’hospitalière [25]. La loi n° 2019-828 vient également par ce titre de « simplification du cadre de gestion des agents publics » mettre en place la création de « services minimums » dans certains services locaux (collecte et traitement des déchets, transport public de personnes, aide aux personnes âgées et handicapées, accueil des enfants de moins de trois ans, accueil périscolaire, restauration collective et scolaire), sur la base d’accords négociés avec les organisations syndicales ou, à défaut, sur simple délibération [26]. Dans la même logique, le droit de grève des agents de ces services se trouve limité : déclaration individuelle d’intention de grève au plus tard 48 heures avant son début, renonciation au plus tard 24 heures avant le début du service considéré, possibilité d’obliger les grévistes de participer à la grève dès leur prise de service et jusqu’à son terme… [27] Le titre IV (Favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles des agents publics) apporte de nombreuses petites modifications, parmi lesquelles certaines nous semblent néanmoins, derrière un caractère anodin et peu discuté, pouvoir avoir d’importantes conséquences. Il est ainsi notamment prévu, pour la fonction publique de l’Etat, que la réaffectation, en cas de suppression d’emploi, d’un agent dans une autre administration que son administration d’origine, ne soit que provisoire, et renouvelable, avant une réaffectation dans l'administration d’origine en surnombre… [28] Est également mise en place la rupture conventionnelle dans la fonction publique [29], avec instauration d’une rupture conventionnelle collective (régie par le code du travail) pour les seuls agents de la Caisse des dépôts et consignations [30]. Le titre IV crée également tout un panel de dispositions relatives aux conditions de réemploi des agents publics en cas de restructuration de services : accompagnement de l’agent dont l’emploi est supprimé, vers le public ou le privé, avec possibilité de congé de formation spécial, de mise à disposition du secteur privé… Notons que la fonction publique territoriale est étrangement exclue de ces dispositifs [31]. Est également mis en place le très controversé détachement d’office en cas de transfert de l’activité vers le secteur privé (voir de détachement d’office général vers le secteur privé en cas d’exercice d’une activité auprès d’une personne privée), avec possibilité d’obtenir une radiation des cadres avec indemnité à cette occasion [32]. Le titre IV procède également à un réel apurement dans la prise en charge des fonctionnaires territoriaux par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ou les centres de gestion, après une période de surnombre : réduction drastique de la durée et du montant de la rémunération, et licenciement ou mise à la retraite des fonctionnaires pris en charge depuis plus de dix ans [33]. Enfin, le titre V (Renforcer l’égalité professionnelle) vient renforcer les obligations en matière de nominations paritaires femmes / hommes, notamment dans les emplois de direction (article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983), régler diverses difficultés liées à l’application de cet article dans la fonction publique territoriale [34], mais également, entre autres, retirer le jour de carence pour le congé maladie liée à la grossesse [35]. Il procède à quelques modifications dans l’organisation des concours [36] et à l'instauration de nouvelles garanties, avec notamment un plan de titularisation, pour les personnels handicapés [37]. II- La complexité des dates d’entrée en vigueur et des décrets d’application La loi de transformation de la fonction publique sera, au-delà du fond, d’application délicate. D’abord, parce qu’elle est soumise à de – très – nombreux décrets d’application, dont certains sont expressément indiqués comme nécessaires à l’entrée en vigueur de certaines dispositions. Ainsi par exemple, la quasi-totalité des nouvelles possibilités de recrutement d’agents contractuels est-elle conditionnée à la parution de dispositions réglementaires relatives à la mise en place de la « procédure permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics » pour ces derniers. Sont également renvoyés à la publication de décrets, et selon une liste non exhaustive : Le rôle précis des nouveaux CSA/CST/CSE, leur fonctionnement, leurs attributions… ; Le contenu du rapport social annuel ; Les cas de recrutement de contractuels sur emplois de direction ; L’indemnité de fin de contrat ; L’aménagement horaire pour mère allaitant un enfant ; La rupture conventionnelle des CDI, et plus largement les conditions de la rupture conventionnelle pour les fonctionnaires ; Le rôle et le fonctionnement de la HATVP dans ses nouvelles fonctions ; Toutes les dispositions relatives aux agents publics handicapés… On sait par ailleurs, par exemple, que le Gouvernement souhaite, par décret, donner aux CAP une nouvelle compétence d’instance de recours préalable contre nombre de décisions individuelles. Le rôle des membres des CAP, déjà grandement modifié par la loi du 6 août 2019, va ainsi être fondamentalement revisité par des dispositions à venir, sans que l’on ne sache quels moyens, notamment en termes de formation et de temps, leur seront en échange alloués. Au-delà, l’entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 relève d’un véritable exercice d’équilibriste : l’article 94, fixant les modalités dérogatoires d’entrée en vigueur, comporte 45 alinéas. Ainsi : Les nouveaux CSA/CST/CSE ne seront créés qu’au prochain renouvellement des instances de la fonction publique, mais les comités techniques et CHSCT ont déjà des compétences ajoutées, dans l’attente de cette création, parfois par avis commun [38] ; Certaines dispositions ne s’appliquent qu’ « en vue de l’élaboration des décisions individuelles prises au titre de l’année 2021 » (comme la quasi-totalité des modifications des compétences des CAP [39]) mais avec des dérogations aux dérogations (par exemple, le retrait de la compétence des CAP pour les mobilités et changement d’affectation aura lieu dès le 1er janvier 2020, mais uniquement dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière [40]) ; Certaines dispositions n’entreront en vigueur qu’à compter de la publication des décrets d’application (par exemple certains cas de recrutements de contractuels, on l’a vu), avec toutefois parfois une date limite d’entrée en vigueur malgré l’absence de publication de décret (comme pour les modifications du compte personnel de formation [41]) ; Certaines dispositions s’appliquent à des dates différenciées s’agissant de la fonction publique concernée (ainsi pour la définition des lignes directrices de gestion en matière de mobilité pour la fonction publique de L’État uniquement, la date est repoussée au 1er janvier 2020 [42]) ; Certaines instances continueront de fonctionner pour l’examen de certains dossiers, soit jusqu’à épuration des dossiers (comme pour les conseils de discipline de recours), soit jusqu’à une date fixée (au 1er février 2020 pour la commission de déontologie). De ces quelques exemples, on note la particulière difficulté avec laquelle les managers publics vont devoir composer durant les deux prochaines années pour mettre en œuvre, de manière différée et selon des dates parfois non déterminées, les différents pans de la réforme. Ce constat est accentué par le nombre important de réformes à venir confiées, par ordonnance, au Gouvernement. III- L’immense champ libre laissé par les futures ordonnances Le Parlement a confié au Gouvernement, par ordonnance, le soin de réformer des pans extrêmement larges du droit de la fonction publique, dont certains viennent potentiellement remettre en cause de grands principes du statut. Ainsi, le Gouvernement est habilité à prévoir, par ordonnance : Des dispositions permettant la conclusion d’accords locaux avec les organisations syndicales, ainsi que la redéfinition du caractère éventuellement contraignant de ses accords (jusqu’alors relégués à de simples discussions devant être entérinées par délibération ou tout autre acte réglementaire, et soumises à l’obligation de respecter les textes nationaux) [43] ; Une nouvelle définition des congés bonifiés [44] ; Une redéfinition totale de la protection sociale complémentaire, mais également du rôle des instances médicales de la fonction publique, et plus largement des règles d’aptitude, de maladie, d’accident de service, de temps partiel thérapeutique… [45] ; Une révision de la politique de formation et de concours dans la fonction publique, avec redéfinition du financement des organismes de formation, réforme des modalités de recrutement des catégories A, favorisation des passerelles public-privé [46] ; Bien plus, l’article 55 de la loi confie au Gouvernement le soin d’adopter un code de la fonction publique, avec la possibilité pour le Gouvernement d’abroger des dispositions obsolètes, de « remédier à des erreurs matérielles », ou encore de procéder à des « modifications pour assurer la cohérence des textes ». Loin d’avoir finalisé la réforme de la fonction publique, la loi du 6 août 2019 ne fait donc qu’ouvrir une nouvelle porte à d’importantes réformes de fond sur des sujets portant sur des procédures et des garanties particulièrement vastes des fonctionnaires, tel le principe même du concours ou encore les garanties relatives à la maladie… * * * En conclusion, le présent résumé n’a pour objectif que de dresser une liste des principaux thèmes modifiés par la loi. Nombre de dispositions spécifiques n’ont pas été précisées (pour ne citer que deux exemples, la modification des pouvoirs du président de la HATVP, ou encore l’intégration dans les corps de l’administration parisienne des agents des centres d’hébergement parisiens) Chacune de ces dispositions suppose naturellement une analyse des plus détaillées. Nombre de sujets constituent une vraie modification de principe dans le fonctionnement de la fonction publique. Cette analyse doit être d’autant plus détaillée que l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions ne suit aucune ligne unique. Il conviendra ainsi d’être particulièrement vigilant lors de cette rentrée 2019 et jusqu’en 2021, à la fois aux modalités d’application des différentes modifications du texte, éparses, aux décrets d’application à venir, ainsi qu’aux nombreuses ordonnances qui viendront à nouveau compléter (voire lourdement modifier) les statuts, et ce dans un délai restreint d’une à deux années. La loi suscite par ailleurs de nombreuses critiques de fond, dont certaines ont déjà pu être formulées dans nos précédents articles. Dans l’ensemble, on notera, entre autres, que cette réforme accentue à notre sens la précarité propre aux contractuels de la fonction publique. Elle vient également remettre en cause des décennies de recherche d’exemplarité de l’administration publique en favorisant grandement les passerelles entre le public et le privé, et en accentuant les possibilités de déroger aux strictes règles de recrutement des contractuels, loin d’un contrôle pourtant souhaité et accentué jusqu’alors, en France comme ailleurs, de la transparence de la vie publique, de la chasse aux conflits d’intérêts et de la gestion rationalisée des fonds publics. Elle réduit en outre nombre de pans de garanties des agents publics, sous couvert d’assouplir la gestion des ressources humaines. Alors que le moral des agents publics est en berne depuis de nombreuses années et que les réformes à répétition les empêchent de garder une vraie visibilité sur leurs missions, c’était plus une stabilisation de l’action administrative et une démonstration de confiance dans les agents publics, ainsi qu’un vrai renouveau pratique – et non une énième réforme textuelle – de la gestion des ressources humaines qui était appelée de toutes et tous. [1] Articles 10 à 12. [2] Article 32. [3] Articles 4, 6, 7, 8 et 9. On trouvera également le « comité social d’administration centrale » pour les Voies Navigables de France et les « comités d’agence » pour les Agences régionales de santé. [4] Le III de l’article 94 vient abroger l’article 10 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 qui prévoyait le maintien des dispositions relatives aux anciens CHCST du code du travail pour la fonction publique hospitalière. [5] Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. [6] Articles 5 et 30. [7] Article 16. [8] Article 17. [9] Articles 18 et 21. [10] Article 19. [11] Article 22. [12] Établissement public de coopération intercommunale. [13] Article 21. [14] Idem. [15] Article 24. [16] Article 27. [17] Article 28. [18] Article 29. [19] Article 31. [20] Articles 34. [21] Voir notre article sur la question : "Projet de réforme de la commission de déontologie de la fonction publique : chute d'un bouclier contre la prise illégale d’intérêts ?" [22] Article 37. [23] Articles 47 et 48. [24] Article 50. [25] Article 53. [26] Article 56 I. [27] Article 56 II, III et IV. [28] Article 68. [29] Article 72. [30] Article 73. [31] Article 75. [32] Article 76. [33] Article 78. [34] Article 82. [35] Article 84. [36] Articles 87 à 89. [37] Articles 90 à 93. [38] Article 94, II, A. [39] Article 94, IV. [40] Article 94, IV, 1°. [41] Article 94, XIV. [42] Article 94, VIII. [43] Article 14. [44] Article 26. [45] Article 40, I et II. [46] Article 59. #GRH #Contratdeprojet #Loidetransformationdelafonctionpublique #Réforme #Projetderéformedelafonctionpublique #Déontologie #Agentscontractuels #Surnombre #Rémunération #Détachementdoffice #Commissiondedéontologie #HATVP #Ruptureconventionnelle #Grève #Serviceminimum #Tempsdetravail #Entretienprofessionnel #Instancesparitaires #Commissionsadministrativesparitaires #Nouvellebonificationindiciaire

  • Dans le cadre d’une transaction, un agent public peut dorénavant renoncer à son recours pour excès d

    Tel que le rappellent les dispositions de l’article L. 423-1 du code des relations entre le public et l’administration, « ainsi que le prévoit l’article 2044 du code civil sous réserve qu’elle porte sur un objet licite et contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître avec l’administration ». Si ce mode de règlement amiable d’un conflit juridique n’était pas exclu en droit public, sa mise en œuvre demeurait délicate en matière de fonction publique. En effet, en droit de la fonction publique, le principe d’une transaction est, ici, non pas de négocier le départ d’un agent, mais de mettre fin à une contestation née, ou prévenir une contestation à naître, en interdisant aux parties toute introduction, continuation ou reprise d’une action contentieuse. Or, en vertu de l’article 6 du code civil lequel prévoit que l’« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs », une transaction ne pouvait, selon une jurisprudence constante, avoir pour but de renoncer à l’exercice d’un recours pour excès de pouvoir. Si la faculté de transiger ne posait pas de difficulté dans les recours de plein contentieux subjectif lequel ne vise pour l’agent qu’à obtenir réparation des préjudices, tel n’était pas le cas dans l’hypothèse d’un recours dit « mixte » visant à obtenir à la fois l’indemnisation et l’annulation de la décision litigieuse. En effet, la concession de l’agent par laquelle il s’engageait à n’exercer aucun recours quel qu’il soit contre l’administration, relevait davantage d’un accord moral dont l’administration assurait seule le risque puisque, in fine, nonobstant la transaction, l’agent ne pouvait abandonner son droit au recours pour excès de pouvoir. Désormais, dans l’arrêt présentement commenté, le Conseil d’État donne sa pleine effectivité à la transaction, en admettant que l’agent puisse renoncer à son recours d’excès de pouvoir. Il opère ainsi un revirement de jurisprudence inattendu (I), tout en rappelant que cette faculté de transiger reste cependant conditionnée (II). I – Un revirement de jurisprudence inattendu Par un arrêt qui avait, lors de sa publication, été remarqué, la cour administrative d’appel de Nancy s’inscrivait clairement dans le sens d’une transaction au champ limité des concessions entourant le recours pour excès de pouvoir (CAA Nancy, 23 mai 2017, Centre hospitalier de Sedan, req. n° 15NC01590). Toutefois, le Conseil d’État par une décision récente (CE, 5 juin 2019, Centre hospitalier de Sedan, req. n° 412732) n’a pas suivi les juges du fond dans leur raisonnement, lesquels appliquaient pourtant à la lettre les règles qu’il avait posées à la transaction administrative pendant près d’un demi-siècle. En l’espèce M. B..., agent titulaire au centre hospitalier de Sedan, a été victime le 7 novembre 2007 d'un accident, reconnu imputable au service. A la suite d'un nouvel accident survenu le 27 juillet 2010, d’autres pathologies ont été diagnostiquées. Suivant l'avis de la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier de Sedan a écarté l'imputabilité au service du second accident, par une décision en date du 30 juin 2011. M. B... a été placé en disponibilité d'office à compter de la date de l'accident par une décision du 16 septembre 2011, conformément à l'avis du comité médical. Le 30 mai 2013, le centre hospitalier de Sedan, suivant l'avis de la commission de réforme, a admis l'intéressé à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2012. Dans un premier temps, M. B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision du 30 mai 2013. Au cours de l'instance devant le tribunal administratif, M. B...et le centre hospitalier ont conclu un protocole transactionnel en date du 6 novembre 2014, lequel faisait notamment état du renoncement au recours engagé par M. B...contre la décision du 30 mai 2013 en ces termes : « les parties se déclarent entièrement remplies de leur droit et s'engagent à se désister, en tant que de besoin et à renoncer expressément à toutes instances et actions passées, présentes ou à venir et qui trouveraient leur fondement dans la formation, l'exécution ou la rupture des relations de travail ayant existé entre elles » et stipule qu' « il est définitivement mis un terme à tous les litiges ayant opposé les parties ». Toutefois, dans l’intervalle, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accédé à la demande de l’agent et annulé la décision du 30 mai 2013, l’admettant à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service. A l'appui de l'appel qu'il a formé contre ce jugement, le centre hospitalier a produit le protocole transactionnel, et demandé à la cour administrative d'appel d'en déduire qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de M.B.... Suivant la jurisprudence constante du Conseil d’État en matière de transaction (CE, ass., 19 novembre 1955, Andréani, Lebon 511 ; CE, 2 février 1996, Société Etablissement Crocquet, req. n° 152406), la cour administrative d'appel de Nancy, pour rejeter l'appel du centre hospitalier, a retenu que « les agents publics ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices d'ordre public instituées en leur faveur, telles les dispositions régissant l'admission à la retraite pour invalidité ». En effet, jusqu’alors, aucune transaction ne pouvait faire obstacle au jugement d'un recours pour excès de pouvoir présenté par un fonctionnaire contre la décision prononçant son admission à la retraite (CE, 26 juillet 1949, Marquis, Rec. p. 470). Plus largement, l’administration ne pouvait, par transaction, se permettre de ne pas appliquer la procédure devant légalement mener à l’édiction d’une décision administrative particulière. Par la voie de la transaction, l’administration pouvait uniquement mettre fin à un litige portant sur la réparation d'un préjudice né d’une décision illégale (CAA Versailles, 18 octobre 2007, Cne d'Éragny-sur-Oise, req. n° 06VE01538). Cette jurisprudence se fondait sur le fait que le droit au recours était lui-même un principe de nature constitutionnelle (Conseil constitutionnel, 21 janvier 1994, Urbanisme et construction, n° 93-335 DC) et inscrit dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 13), véritable règle d’ordre publique à laquelle il ne pouvait ainsi être dérogé. Toutefois, cette conception rigide du caractère licite d’une transaction ne prenait pas en compte l’intérêt pratique de la résolution conventionnelle de litiges. En effet, de nombreux requérants prenaient en réalité souvent l’engagement « moral » de se désister de leur instance, qu’il s’agisse d’un recours pour excès de pouvoir ou d’un recours indemnitaire, malgré la position du juge administratif, les transactions des parties lui échappant bien souvent. C’est probablement pourquoi, aussi surprenant que cela puisse paraître au regard de l’importance du principe régissant le droit au recours, le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit en statuant comme elle l’avait fait, indiquant dorénavant qu’ « aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux agents de la fonction publique hospitalière, ni aucun principe général du droit, ne fait obstacle à ce que l’administration conclue avec un fonctionnaire régi par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ayant fait l’objet d’une décision l’admettant à la retraite pour invalidité non imputable au service, une transaction par laquelle, dans le respect des conditions précédemment mentionnées, les parties conviennent de mettre fin à l’ensemble des litiges nés de l’édiction de cette décision ou de prévenir ceux qu’elle pourrait faire naître, incluant la demande d’annulation pour excès de pouvoir de cette décision et celle qui tend à la réparation des préjudices résultant de son éventuelle illégalité. ». La Haute juridiction paraît donc tenir compte de l’évolution récente de la position de certains juges du fond, qui estimaient que l’engagement de renoncer à un droit était possible sans méconnaître pour autant aucune règle d'ordre public (TA Cergy-Pontoise, 8 janvier 2015, Sté Multi Development France, AJDA 2015. 993, note S. Merenne). Ce faisant, le Conseil d’État semble donc modifier considérablement les contours et conditions de la transaction, ouvrant notamment la possibilité de transiger, non plus au seul contentieux indemnitaire, mais également au contentieux de l’excès de pouvoir, ou encore en permettant à un agent public de renoncer à l’application d’un droit qu’il tient des dispositions statutaires. II – Une transaction demeurant conditionnée Outre ce revirement, cet arrêt présente un second intérêt car, de manière très pédagogue, la Haute juridiction administrative rappelle les conditions de la validité d’une transaction précédemment retenues par la jurisprudence : la licéité du contrat, le respect de l’ordre public et l’existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties. Si dorénavant l’agent peut transiger quant à ses droits au recours pour excès de pouvoir, il est toutefois important de rappeler qu’en vertu de l’article 6 du Code civil, certaines concessions restent exclues de par leur caractère illicite ou dérogeant à l’ordre public. Ainsi, le juge administratif sanctionnera les employeurs publics qui s’engageaient « par la voie d’un contrat à faire usage dans un sens déterminé, du pouvoir règlementaire » (CE, 9 juillet 2015, req. n° 375542). De même, sous la condition liée au respect de l’ordre public, les parties ne peuvent déroger aux dispositions statutaires (CE, 1er octobre 2001, Cne des Angles, Rec. p. 793 ; CE, 14 juin 2014, M. Leplatre, req. n° 250695). Ainsi, la transaction ne peut avoir comme objet de déroger aux hypothèses et modalités règlementairement prévues d’éviction des fonctions telles que celles du licenciement ou de la retraite pour invalidité. En effet, tel que l’a rappelé le Conseil d’État dans le présent arrêt, la transaction doit mettre fin au litige dans sa globalité. Dès lors, une transaction ne peut se contenter de prévoir uniquement la fin des fonctions de l’agent, ou encore des avantages « extra-statutaires ». Pour qu’il y ait homologation de la transaction par le juge administratif, il faut d’autre part que les concessions de chacune des parties soient réciproques et équilibrées. Or, dans le présent arrêt, le Conseil d’État procède effectivement à cette vérification, estimant alors que la somme attribuée en réparation des préjudices à M. B… équivaut aux renoncements à ses droits : « Le protocole transactionnel prévoit le versement par le centre hospitalier d'une somme de 35 000 euros en contrepartie de la renonciation de M. B...à l'ensemble des contestations nées ou à naître du fait de sa carrière et de sa sortie du service. Compte tenu de l'intérêt qui s'attache, pour les deux parties, au règlement rapide de leur différend et eu égard, d'une part, à la contestation élevée par M. B...relative à la décision du 30 mai 2013 quant à l'appréciation portée par l'administration, conformément à l'avis de la commission de réforme, sur son inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et sur l'imputabilité au service de l'accident du 27 juillet 2010 qu'il estime être à l'origine de son invalidité, et aux conséquences respectives d'une éventuelle annulation contentieuse prononcée pour l'un ou l'autre motif - à savoir l'obligation pour le centre hospitalier de le réintégrer et de le reclasser ou de lui ouvrir droit à une rente viagère d'invalidité - et, d'autre part, au droit à réparation des préjudices susceptibles de découler de l'illégalité éventuelle de cette décision, ce protocole comporte des concessions réciproques qui n'apparaissent pas manifestement déséquilibrées au détriment de l'une ou l'autre partie ». En outre, compte tenu de la gravité des engagements pris par les parties, lesquels aboutissent notamment pour l’agent public à un abandon d’un droit qu’il détient des dispositions statutaires qui lui sont applicables, le Conseil d’État s’assure de vérifier que la transaction n’est entachée d’aucun vice du consentement : « il ne résulte pas de l'instruction que le contrat de transaction serait entaché d'un vice d'une particulière gravité, touchant notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, justifiant qu'il soit déclaré nul ». Ce faisant, il rapproche considérablement la transaction en droit de la fonction publique du régime des autres contrats administratifs, s’agissant desquels le juge n'est tenu de prononcer leur annulation que dans l'hypothèse d'une irrégularité particulièrement grave tenant aux conditions de sa conclusion ou à son contenu (CE, 28 décembre 2009, Cne de Béziers, req. n° 304802, Lebon). Ce troisième volet de l’affaire opposant M. B… au Centre hospitalier de Sedan, malgré son caractère inattendu, laisse certaines questions en suspens. En effet, force est de constater que la Haute juridiction s’est abstenue de dégager clairement un quelconque principe général du droit, qui mettrait fin à l’interdiction de transiger sur l’issue d’un contentieux de l’excès de pouvoir. Au contraire, le juge administratif prend le soin de préciser qu’il statue sur un litige afférant au droit de la fonction publique hospitalière. Cette précision amène nécessairement à s’interroger sur la portée d’une telle décision s’agissant de la fonction publique de l’État, ou de la fonction publique territoriale, dès lors que ce type de concessions se font, pour l’heure, systématiquement « épinglées » au contrôle de légalité. Aussi, si cette décision semble a priori ouvrir le champ de la transaction, il apparaît nécessaire d’attendre la naissance d’autres décisions qui viendraient confirmer et éclairer la voie que la Haute juridiction semble avoir ouverte à travers cette décision du 5 juin 2019. . #Transaction #Recourspourexcèsdepouvoiir

  • Les agents publics doivent avoir connaissance de tout document inscrit à leur dossier et susceptible

    Par un jugement remarqué du 29 novembre 2018 (req. n° 1701590), le Tribunal administratif de Besançon est venu rappeler que le droit à la communication préalable des documents affectant la carrière d’un agent n’est pas limité aux procédures disciplinaires. En l’espèce, Madame A., fonctionnaire hospitalier faisait l’objet d’un courrier du 19 juin 2017 du centre hospitalier l’informant qu’une réitération des fautes commises lors d’évènements le 10 mai précédant entraînerait le déclenchement d’une procédure disciplinaire. Demandant à consulter son dossier à la suite de ce courrier, elle constatait l’existence dans ce dossier d’un rapport circonstancié et de documents relatifs aux évènements du 10 mai, dont elle n’avait pas eu connaissance au préalable. L’agent demandait à l’administration de retirer ces documents de son dossier, demande qui fait l’objet d’un refus le 28 juillet 2017. Elle sollicitait donc du tribunal administratif l’annulation du courrier du 19 juin 2017, qu’elle considérait constituer un avertissement disciplinaire, et de la décision du 28 juillet 2017. Si le Tribunal a estimé qu’il n’y avait pas eu d’avertissement à l’encontre de la requérante, il notait néanmoins que le courrier, ainsi que le rapport circonstancié, devaient être maintenus au dossier de l’agent. En effet, selon les juges de première instance « en dépit de son absence de caractère disciplinaire, le courrier du 19 juin 2017 doit être regardé comme l’expression de la consignation au dossier individuel de l’agent d’informations susceptibles d’affecter le déroulement de la carrière. » Or, l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 donne aux fonctionnaires le droit à communication de « toutes notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office, soit avant d’être retardé dans leur avancement à l’ancienneté. » Le Tribunal administratif de Besançon a cependant considéré qu’il n’était pas besoin d’attendre le prononcé éventuel de telles mesures pour avoir droit à communication d’éléments susceptibles de les fonder. Dans un considérant de principe, les juges de première instance ont ainsi clairement indiqué qu’il « résulte de ces dispositions que, même en l'absence de sanction disciplinaire prise à leur encontre, les agents publics disposent du droit à se voir communiquer l'ensemble des éléments de leur dossier individuel susceptibles de retarder leur avancement à l'ancienneté. » Il a donc estimé que, si le rapport circonstancié devait bien figurer au dossier de l’agent et ne pouvait donc en être retiré, l’agent aurait dû avoir communication, préalablement au courrier de « rappel à l’ordre » du 19 juin 2017, de ces documents, susceptibles d’avoir une influence sur sa carrière. En ne permettant pas à Madame A. d’avoir connaissance de ces éléments, le centre hospitalier l’a « privée d’une garantie essentielle » puisqu’elle « n’a ainsi pas pu présenter d’observations susceptibles d’avoir une influence sur le contenu de la décision du 19 juin 2017. » Il appartient donc bel et bien à toute administration de communiquer à chaque agent l’inscription dans son dossier d’éléments fondant toute décision prise en considération de sa propre personne, et de lui permettre d’avoir accès à de tels documents avant que ne soit prononcée une décision susceptible d’avoir une influence sur le déroulé de sa carrière. #communicationdudossier #Dossieradministratif #Fonctionpublique #Discipline

  • Projet de loi de transformation de la fonction publique : l’extension des possibilités de recrutemen

    Le projet de loi de transformation de la fonction publique sera adopté, dans sa version amendée, ce mardi 28 mai 2019, par l’Assemblée nationale, avant transmission au Sénat pour une deuxième lecture à partir du 11 juin prochain, pour une adoption avant la fin de l’été. L’un des objectifs affichés du gouvernement par ce texte est de permettre le recrutement plus important d’agents contractuels dans la fonction publique, répondant, selon lui, à la nécessité de trouver de « nouveaux leviers permettant de répondre aux évolutions et transformations du service public en facilitant le recrutement des compétences nécessaires ». Pour ce faire, le gouvernement souhaitait que soient créées de « nouvelles marges de manœuvre » pour les encadrants en « étendant la possibilité de recourir au contrat, par dérogation au principe de l’occupation des emplois permanents dans la fonction publique par des fonctionnaires. » [1] Le projet de loi, dont l’essence même a été maintenue par les députés en première lecture, est un florilège de nouveaux cas d’ouverture des postes de l’administration aux contractuels : postes de l’encadrement supérieur des trois fonctions publiques (article 7), contrat de projet ouvert à tous les emplois de catégorie A et B (article 8), ouverture des emplois contractuels dits « nature et besoins » aux emplois de catégorie B et C (article 9 et 10) … Cependant, les avocats de la fonction publique que nous sommes peinent à comprendre en quoi ces mesures seraient réellement issues des « attentes des employeurs publics » [1]. Conseillant depuis de nombreuses années les employeurs publics en matière de ressources humaines, nous sommes certes confrontés à des difficultés très spécifiques, relatives à la pérennité des recrutements sur des postes aux compétences techniques rares (tels les emplois dans le domaine de l’énergie ou des télécommunications [2]). Les quatre titres du statut prévoient déjà pourtant des possibilités de recourir aux agents contractuels en pareils cas, qui restent, rappelons-le, relatifs à de rares métiers et compétences spécifiques. Mais nous n’avons jamais été confrontés à un quelconque besoin des employeurs publics d’ouvrir davantage le recrutement aux contractuels. Au contraire, le constat d’une difficulté de gestion des ressources humaines (GRH) avec les emplois déjà existants est bien plus prégnant. C’est d’ailleurs une analyse nettement confirmée par tous les observateurs de l’emploi public depuis plusieurs années : l’administration peine à avoir une gestion rigoureuse et efficiente de ses agents publics. Le recrutement des agents contractuels est source de nombreux et coûteux contentieux, les administrations peinant à respecter les obligations en la matière, notamment en ne démontrant pas avoir recherché l’existence de profils de fonctionnaires, pourtant existants, qui correspondraient à ces besoins. La Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes (CRC) se faisaient tout récemment l’écho de ces difficultés dans les collectivités territoriales, largement transposables à la fonction publique de l’Etat et à l’hospitalière [3] : les magistrats financiers déplorent, sur ces dernières années, une réelle « insuffisance dans le suivi opérationnel des effectifs » et l’« absence de stratégie globale relative aux ressources humaines ou d’objectifs, en matière de recrutement ou de gestion des effectifs ». Celle-ci concerne des administrations de tous types et de toutes tailles. La GRH des administrations, faute d’une véritable Gestion formalisée des personnels, des emplois et des carrières (GPEC), révèle un « recrutement d’agents au fil de l’eau, sans stratégie d’ensemble », confinant à des recrutements inopportuns. Au-delà, tout comme les magistrats financiers, nous notons une explosion des contentieux liés aux conditions irrégulières d’emploi ou d’embauche des agents contractuels, notamment dans les emplois de direction. Conditions de rémunérations irrégulières, octroi d’avantages illégaux, non-respect des délais de vacances d’emploi ou des strates démographiques… sont d’autant de cas entraînant l’annulation immédiate des décisions de recrutement des agents contractuels, avec des conséquences lourdes compte tenu du caractère rétroactif des annulations et des délais de jugement. Les magistrats financiers relèvent aussi que ce manque de gestion efficiente de la GRH a augmenté la précarisation des agents contractuels par le non-respect des obligations de « CDIsation » ou par les violations régulières des conditions de renouvellement des emplois de catégorie B et C. Bien plus, les rapports d’observations des CRC relèvent régulièrement l’embauche d’agents contractuels sans besoin spécifique au regard des missions exercées, notamment dans des administrations de grande taille [4]. Cette situation entraîne des coûts importants pour les administrations, tant en termes de variations non maîtrisée des effectifs, que de contentieux. Elle tend également, par manque de vision d’ensemble et précise de celles-ci, à ne pas mettre à profit les compétences et les talents existants dans la fonction publique. La solution aux difficultés rencontrées par les administrations relève en réalité d’une politique rigoureuse, prévisionnelle et globale des carrières et des emplois. Préconisée depuis des années par tous les experts du secteur, elle fait l’objet d’efforts louables de certaines directions des ressources humaines, mais encore trop peu systématiques. Ce constant d’absence d’évolution des méthodes faisait encore l’objet, en 2019, d’un rapport parlementaire appelant à l’intégration des nouveaux outils de GRH dans la fonction publique [5]. Il est ainsi étonnant de lire aujourd’hui que les administrations auraient besoin de diversifier les viviers de recrutement pour s’adjoindre des compétences nouvelles et fluidifier la gestion de leurs effectifs, et d’ouvrir un peu plus les possibilités de recrutement des contractuels… Bien au contraire, l’ouverture de nouvelles modalités de recrutement, sans opérer cette révolution interne de gestion, risque d’accroître les difficultés mesurées. Les nouvelles dispositions, tout en maintenant les conditions habituelles de recrutement (louables et nécessaires) ajoutent aux modalités de recrutement des agents contractuels celles d’un processus assurant l’égal accès aux emplois publics des agents contractuels (article 6 du projet). Ces nouvelles modalités de recrutement ne constituent qu’un ajout aux risques d’illégalités et de mauvaise gestion des ressources humaines par la complexification qu’elles engendrent dans la prise en compte de multiples modes de recrutements soumis à des processus de contrôle accrus. Pis, le risque d’absence de contrôle de la régularité des actes de recrutement à venir est de plus en plus grand, les services préfectoraux des contrôles de légalité étant de plus en plus débordés et de moins en moins dotés en personnels. Par ailleurs, la grande précarité des futurs contrats de projet conduira probablement peu d’agents illégalement recrutés à saisir le juge administratif du fait du coût des procédures… Face à la somme croissante de fonctionnaires contraints d’opérer des mutations régulières pour suppression ou modification successives des compétences de leurs services [6], à la question, toujours d’actualité, des « reçus-collés » de la fonction publique territoriale, notamment dans l’encadrement supérieur [7], la hausse du recrutement, non maîtrisé, d’agents contractuels sur des emplois permanents, ne pourra qu’accentuer le constat de mauvaise gestion des emplois, laquelle se traduit toujours, par essence, par un coût financier important pour l’administration. Ceci ne peut qu’appeler à modérer grandement les choix actuels d’un projet de loi de transformation de la fonction publique pour focaliser le travail des directions des ressources humaines sur la gestion efficiente des fonctionnaires et agents publics actuellement en poste, dont les compétences sont trop peu mesurées et sollicitées. Par la formation des services RH, par l’augmentation des moyens juridiques et financiers pour permettre d’assurer de corréler les compétences et les métiers, le cas échéant en utilisant les modalités aujourd’hui bien encadrées du reclassement, les administrations pourront d’elles-mêmes régler les difficultés de recrutement actuelles sans risquer de nouveaux surcoûts ou de nouvelles errances, néfastes au moral, et, partant, à l’efficacité des agents en fonction [8]. Ayons confiance dans le vivier de compétences que représente l’ensemble des fonctionnaires ! [1] Exposé des motifs du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 27 mars 2019. [2] Emilien Batôt, « Le spectre de la vacance temporaire d’emploi technique devenu permanente », La Gazette des communes, 17 octobre 2016, p. 62. [3] Hadi Habchi, « Gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales : les enseignements des rapports d’observations des CRC », JCP A n° 45, 12 novembre 2018, 2308. [4] Voir par exemple CRC Haute-Normandie, RODG Commune du Havre, 7 décembre 2000 ; CRC ARA, RODG Communauté d’agglomération du Puy-en-Velay, 22 décembre 2015 ; CRC Nouvelle-Aquitaine, RODG Département de la Charente-Maritime, 11 juillet 2017. [5] Arnaud de Belenet (sénateur), et Jacques Savatier (député), « Renforcer et optimiser la fonction et les outils RH des collectivités pour accompagner les transitions territoriales et professionnelles », Rapport remis au Premier ministre, 12 février 2019. [6] On pensera, pour simple exemple, au tout récent décret n° 2019-505 du 23 mai 2019 relatif à l’instruction par des prestataires privés des demandes d’autorisation d’urbanisme, qui pourrait vider les services urbanisme de leurs agents par externalisation des compétences. [7] Agathe Vovard, « Les administrateurs territoriaux s’inquiètent pour leur avenir », La Gazette des communes, 13 mai 2016. [8] Bastien Scordia, « Dans les directions de Bercy, un moral en berne et une fragilisation de l’engagement », Acteurs Publics, 25 avril 2019. #Projetderéformedelafonctionpublique #GRH #Contratdeprojet #Agentscontractuels #Fonctionnaire #CRC #Ressourceshumaines #Loidetransformationdelafonctionpublique

  • La notion d'imputabilité au service

    Par une décision du 13 mars 2019 (n°407795), le Conseil d’État a rappelé les contours de la notion d’imputabilité au service d’une maladie et l’office du juge administratif lorsqu’il est confronté à une telle question. En l'espèce, Mme A..., attachée territoriale chargée depuis le 1er septembre 1988 de la direction de l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes de Trémentines, rattaché pour sa gestion à la communauté d'agglomération du Choletais depuis 2003, a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un syndrome dépressif sévère médicalement constaté en juin 2013. Toutefois, par une décision du 31 juillet 2014, la communauté d'agglomération a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 3 février 2016, le tribunal a annulé cette décision et jugé la maladie de Mme A...imputable au service. Cependant, par un arrêt du 9 décembre 2016, sur appel de la communauté d'agglomération du Choletais, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme A..., estimant que l'absence de volonté délibérée de l'employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A... interdisait de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection en cause La Haute juridiction a donc rappelé qu’ « une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. » S'agissant de l'office du juge, le Conseil d’État a également précisé qu’ « il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. » En l’espèce, Mme A... souffrait d'un syndrome dépressif sévère, constaté le 15 juillet 2013 par un médecin du service des pathologies professionnelles du centre hospitalier universitaire d'Angers, consécutivement à une sanction disciplinaire. Par la suite, la commission de réforme avait émis, après examen médical de l'intéressée le 7 avril 2014 par un médecin qui concluait que " la pathologie de Mme B...A...est essentiellement et directement causée par son travail habituel. Il existe donc une imputabilité certaine au service ", un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie en estimant que " la pathologie dépressive de l'intéressée était en lien direct avec son travail et qu'il n'existait pas d'état antérieur ou d'éléments de sa vie privée pouvant par ailleurs être à l'origine de cette affection ". Dès lors, la pathologie de Mme A devait bien être regardée comme imputable au service. -- Officio avocats Avocats en droit de la fonction publique #Maladieprofessionnelle #Maladieimputableauservice #Imputabilitéauservice

  • Projet de Loi de transformation de la fonction publique : le contrat de projet, un contrat qui exist

    La réforme de la fonction publique tant annoncée par le gouvernement dévoile enfin ses contours. Présentée aux représentants du personnel et des employeurs lors du Conseil commun de la fonction publique, le 13 février 2019, puis au Conseil des ministres, les 33 articles de ce projet de loi sont désormais soumis aux hémicycles. Parmi les mesures visant à développer des leviers managériaux pour une action publique plus réactive et efficace, figure un nouveau cas de recours au contrat de droit public. Dans les trois versants de la fonction publique, devrait ainsi être instauré un « contrat de projet ». Au-delà d’une nouvelle dérogation à la règle de l’emploi titulaire, énumérée à l’article 3 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ce nouveau motif de recours au contrat est loin d’être une si grande innovation. De fait, le contrat de projet existe déjà dans la fonction publique. Regrettons qu’il puisse être assimilé à d’autres motifs existants de recours aux contractuels, pouvant faire le jeu des employeurs publics qui seraient peu scrupuleux de la précarité (A). Fort de se targuer d’une action publique plus réactive, en outre il ne semble pas raisonnable d’attendre six ans pour parvenir à la réalisation d’une mission. Les agents y consacreront in fine une part de leurs « carrières », sans perspective apparemment de relation à durée indéterminée. Ce nouveau motif discrédite un peu plus la frontière entre les notions d’emploi permanent et de besoins temporaires, dans les motifs de recrutement des agents publics contractuels (B). A) Le contrat de projet : une notion assimilable à des motifs existants de recrutement Nonobstant leurs particularités, dans les trois fonctions publiques, le contrat de projet existait d’ores-et-déjà dans son principe. Pour preuve, il recouvrira des motifs de recrutement existants. Pour autant, l’article 6 du projet de Loi de transformation de la fonction publique entendra consacrer un motif de recrutement à part entière : - en créant des articles 7 bis à la Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’Etat et 9-4 de la Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 pour le versant hospitalier ; - et, en complétant l’article 3 de la Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 pour la fonction publique territoriale. Les administrations et les établissements publics de l’Etat, les collectivités territoriales, ainsi que les établissements publics de santé, auront ainsi la faculté « pour mener à bien un projet ou une opération spécifique, de recruter un agent par un contrat à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération ». Dès lors, le contrat de projet peut s’assimiler à d’autres cas de recours existants tels que : - s’agissant des besoins temporaires, « l’accroissement temporaire d’activité » ; - ou encore le recrutement sur un besoin permanent du service d’un contractuel pour des connaissances techniques hautement spécifiques. Dans ce premier cas de figure, la notion « d’accroissement temporaire d’activité » est susceptible de recouvrir, partiellement, le champ de ce nouveau contrat de projet. Elle demeure en pratique peu usité, faute d’être réellement circonscrite. Ainsi, le gouvernement aurait pu choisir de mieux définir cette notion, à l’instar du droit du travail où la directive DRT du 18 du 30 novembre 1990 a précisé son champ d’action : - l’augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise, - et, l’exécution d’une tâche occasionnelle, mais précisément définie et non durable ne relevant de l’activité normale de l’entreprise. Cette mission demeure toutefois limitée dans le temps à une période maximale de 18 mois. Dans l’hypothèse où le projet serait plus long dès sa mise en œuvre, second cas de figure, l’administration a la faculté de recruter un contractuel, pour un besoin permanent du service, du fait de ses connaissances techniques hautement spécifiques. Il est à noter que le projet de loi tend à généraliser cette possibilité à toutes les catégories professionnelles (A, B et C) à l’image de la fonction publique hospitalière. Toutefois, élément coercitif pour l’employeur public, quant à ce motif, cela suppose, au-delà de six années de service, l’obligation de proposer à l’agent contractuel un contrat à durée indéterminée (CDI). En définitive, la possibilité d’être ainsi confondu avec d’autres motifs ne fait que stigmatiser le caractère anormalement large et flou du champ de ce nouveau contrat. Force est de constater que les notions « projets » ou « d’opérations spécifiques » n’apparaissent pas être, qui plus est, des raisons véritablement objectives au sens de de l’accord-cadre de la directive 1999/70/CE et difficilement vérifiables par le juge administratif. En sus, il peut être source de précarité. L’on peut ainsi craindre que le choix laissé aux employeurs publics ne se fasse vers plus flexibilité, et partant de précarité, d’autant qu’il n’impliquerait aucune perspective durable d’emploi pour l’agent. B) Le contrat de projet : emploi permanent ou temporaire ? Par principe, la nature du besoin que l’employeur public cherche à satisfaire peut-être classifiée soit comme temporaire, soit comme permanente. Cette dichotomie propre aux contrats de fonction publique est cependant mise à mal par ce nouveau motif de contrat. En effet, ses contours flous semblent lui permettre d’empiété sur ces deux terrains, jusqu’alors distincts. En premier lieu, l’agencement des articles instituant le contrat de projet au sein des dispositions existantes ne permet pas de répondre à cette question de manière péremptoire. En effet, que ce soit dans les versants étatique ou hospitalier, les futurs articles 7 bis ou 9-4 précités seront aussi bien détachés de ceux correspondant à un besoin temporaire ou de ceux permanents. Il convient en revanche de noter que, s’agissant de la fonction publique territoriale, la réponse est plus tranchée puisque ce motif est annexé à l’article 3 définissant l’accroissement temporaires d’activité ou saisonnier. En second lieu, indice de son caractère temporaire, il semblerait que ce contrat ne devrait pas offrir de perspective de CDI aux agents, ni de titularisation. Tel fut l’exposé d’Alain Dussopt, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’action publique et des comptes publics, le 13 février 2019. Pour autant, le contrat de projet est susceptible de perdurer dans le temps dans la limite de six années. D’après l’article 6 de la loi de transformation de la fonction publique, « sa durée est fixée selon l’une des modalités suivantes : « 1° Lorsque la durée du projet ou de l’opération peut être déterminée, elle est fixée dans le contrat ; « 2° Lorsque la durée du projet ou de l’opération ne peut être déterminée, le contrat est conclu dans la limite d’une durée de six ans ». Or, est-il raisonnable de penser que six années de service sur un tel motif puissent être qualifiées de besoin temporaire ? Il est à croire que le juge administratif n’y sera pas dupe, à l’heure, de la censure des recours abusifs au CDD (CE, 20 mars 2015, req. n° 371664). D’ailleurs, dans le cadre de son office, il ne s’arrête pas au motif du contrat de l’agent pour requalifier in fine le besoin de permanent, et lui offrir droit au CDI. En définitive, derrière le contrat de projet se cache plus de précarité, et une future source d’insécurité juridique. #Loidetransformationdelafonctionpublique #Contratdemission

  • Projet de réforme des congés bonifiés : vers une extinction du régime ?

    A l’occasion des « Assises des Outre-mer », le président de la République a présenté, le 28 juin 2018, à un parterre d'élus ultramarins et de responsables associatifs et économiques, ses projets et mesures pour chacun de ces territoires, parmi lesquels une réforme des congés bonifiés, et annoncé le lancement d'une concertation en ce mois d'avril 2019. Pour rappel, congés bonifiés consistent en un régime particulier de congés auquel peuvent prétendre les magistrats ainsi que les fonctionnaires titulaires de la fonction publique de l’État (Décret n°53-511 du 21 mai 1953 fixant les modalités de remboursement des frais engagés par les personnels civils de l'État à l'occasion de leurs déplacements ; Décret n°78-399 du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'État), de la fonction publique hospitalière (article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; Décret n°87-482 du 1 juillet 1987 relatif aux congés bonifiés des fonctionnaires hospitaliers en service sur le territoire européen de la France, dont la résidence habituelle est dans un département d'outre-mer) et de la fonction publique territoriale (article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; Décret n°88-168 du 15 février 1988 pris pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 1° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale), dont la résidence habituelle se trouve au sein de l’un des départements d’outre-mer, à savoir en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, exerçant en métropole (Conseil d'État 23 juin 1997, req. n° 149041, Chamouillet c/ Conseil général La Réunion). Afin de prétendre à l’octroi d'un congé bonifié, l’agent doit faire état d’une durée minimum de service de 36 mois, ininterrompue (Conseil d’État 6 février 1991, Ministre de l’éducation nationale c/ Mme Danilo, req. n°80352). Il est indifférent que l’agent exerce à temps partiel ou à temps plein. L’agent doit également démontrer que son « lieu de résidence habituelle dans le département d’outre-mer où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels” (décret n° 78-399, 20 mars 1978, art. 3). Il doit ainsi apporter la preuve que son centre des intérêts moraux et matériels se trouve dans un département d’outre-mer. Actuellement, l’agent qui se voit accorder un congé bonifié bénéfice de trois avantages : La bonification de ses jours de congés : si les nécessités de service ne s’y opposent pas, le congé annuel de l’agent est augmenté d’une durée de 30 jours, dans la limite des 65 jours consécutifs (Décret n°78-399 du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'État). La majoration de sa rémunération durant le congé : en sus de sa rémunération habituelle (traitement indiciaire, supplément familial de traitement et NBI éventuelle), l’agent se voit octroyer une « indemnité de cherté de la vie », qui varie entre 35 et 40% selon le département d’outre-mer concerné (Décret n°51-725 du 8 juin 1951 relatif au régime de rémunération et avantages accessoires des personnels de l'État en service dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion). La prise en charge de ses frais de voyages : les frais de voyage de l’agent, de ses enfants à charge et de son conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité (Décret n° 2001-973 du 22 octobre 2001 modifiant le décret n° 53-511 du 21 mai 1953 relatif aux modalités de remboursement des frais engagés par les personnels civils de l'État à l'occasion de leurs déplacements) sont pris en charge par la collectivité et sont remboursés au fonctionnaire à hauteur de 50 % pour les DOM (Décret n°78-399 du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'État). Les frais de voyage sont limités aux frais de transport aérien entre la métropole et le territoire d’outre-mer. Les frais de transports à l’intérieur du DOM et en métropole ne sont en revanche pas pris en charge. Bien entendu, la prise en charge s’effectue sur la base du tarif de la classe la plus économique (Décret n°71-647 du 30 juillet 1971 fixant les conditions de prise en charge des frais de transport par la voie aérienne engagés par les personnels civils et militaires de l'État et de ses établissements publics ainsi que de certains organismes subventionnés en dehors du territoire métropolitain de la France). Lors de la réunion interministérielle qui s’est tenue le 11 janvier dernier, les contours de ce projet de réforme ont été dévoilés : Augmentation de la fréquence des congés, qui auront lieu tous les deux ans, au lieu de trois ; Suppression des 30 jours de bonification qui venaient auparavant s’ajouter aux congés annuels de l’agent ; Suppression du versement de la sur-rémunération (comprendre l’indemnité de cherté de la vie) ; Suppression des congés bonifiés « inversés » (pour les métropolitains travaillant en DOM). Très concrètement, au delà de retiré le droit à congé bonifié à tout un pan de ses bénéficiaires, le Gouvernement envisage de supprimer deux des trois avantages caractérisant le congé bonifié. Au-delà de ces grandes lignes qui seront évoquées au cours de la concertation lancée ce mois d’avril 2019, il n’est pas encore connu si le Gouvernement décidait de remettre également à plat les conditions d’octroi des congés bonifiés. Par ailleurs, le Gouvernement n’a pas non plus précisé, à ce stade, s’il entendait profiter de cette réforme pour modifier les conditions de prise en charge des frais de voyages des agents concernés par ces congés « pas vraiment bonifiés », ce qui n'est pas exclu, dès lors que l'essentiel de la réforme devrait intervenir par décret. Il aurait au contraire été préférable que le Gouvernement travaille à une refonte et à une véritable unification des critères d'octroi des congés bonifiés, à travers une redéfinition des critères de définition du « centre des intérêts moraux et matériels », lesquels ont été définis par la jurisprudence du Conseil d’État et, plus tardivement, par une circulaire du 3 janvier 2007 sur les conditions d'attribution des congés bonifiés aux agents des trois fonctions publiques. Cette unification des critères d'octroi pour les agents des trois fonctions publiques figure de longue date parmi les demandes des syndicats. Ainsi, plus qu’une réforme, nous assisterons probablement, d'ici le mois de juillet prochain, date de publication du décret et de sa circulaire d'application, à l’extinction du système des congés bonifiés, à un anéantissement de régime de congés qui ne dit pas son nom. Officio avocats Avocats en droit de la fonction publique #Congés #Congésbonifiés #Réforme #Projetderéforme

Résultats de recherche

bottom of page