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Coronavirus : quel régime d’imputabilité au service pour les agents publics hospitaliers ?

Dernière mise à jour : 21 nov. 2022


Alors que des mots graves étaient prononcés par le Président de la République dans son allocation du 16 mars 2020, cette « guerre » déclarée contre le Covid-19 - loin d’être silencieuse - est une réalité absolue dans les établissements publics de santé à l’heure où l’on apprend les décès de médecins et de soignants. Souvent « parents pauvres » de la fonction publique, il faut rendre hommage, aux femmes et hommes, qui luttent au sein des Hôpitaux mais également des EPHAD, jours et nuits, pour assurer la continuité des soins, parfois avec des moyens rudimentaires et pour des salaires peu attractifs par rapport à leurs homologues du secteur privé.



Pour heure, l’exposition des médecins, des infirmiers, aides-soignants et agents des services hospitaliers, infectés à leurs tours dans leurs activités hospitalières, est un fait avéré pour lequel les pouvoirs publics ne pouvaient rester sans réagir. Au-delà de l’octroi de congés de maladie ordinaire prévus au 2° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière pour le personnel dit soignant ou résultant des dispositions du code de la santé publique pour les médecins hospitaliers, va dès lors nécessairement, à moyen terme, se poser la question de la reconnaissance de l’imputabilité au service de leur état de santé, pour les cas les plus graves. D’où peut-être l’annonce du Premier Ministre, Edouard Philippe, au journal de 20 heures de ce lundi 23 mars que « le coronavirus sera reconnu maladie professionnelle » pour les soignants exposés.


Néanmoins, une telle reconnaissance est encore problématique en l’état du droit (A) et non sans aléa dans le temps (B).


A) Le coronavirus, une maladie professionnelle ?


De prime abord, il faut souligner que la notion retenue par le gouvernement de « maladie » semble bien être la notion juridique adéquate, et ce, à la différence de l’accident du travail comme on a pu l’entendre. Si depuis quelques années déjà, pour définir cette dernière notion d’accident, la jurisprudence administrative a abandonné l’exigence de « l’intervention soudaine et violente d’un événement extérieur » (CE, 24 novembre 1971, Ministre de l’Economie et des Finances c/ Even, Rec. T., p. 1090) en faveur simplement d’un fait accidentel (CE, 30 juin 1995, Caisse des dépôts et consignations, req. n° 124622), il demeure néanmoins difficile d’identifier un tel événement dans le cas du Covid-19. En effet, au regard des connaissances scientifiques actuelles du virus, le temps d’incubation apparaît varier entre trois et quinze jours. Dès lors qu’un personnel manifeste les symptômes du Covid-19, quel pourrait être le fait daté et déterminé si ce n’est l’activité de soins en elle-même de manière diffuse ? Une telle identification est semble-t-il bien mal aisée que ce soit pour l’agent lui-même ou l’administration.


En ce point, d’ailleurs, l’interprétation a contrario d’un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 30 juillet 1997, Société Assurances mutuelles de France, req. n° 159366) tend à exclure une telle qualification au profit de la notion de « maladie » : « qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les malaises ou désordres organiques médicalement constatés seraient le résultat d’affectations pathologiques ou de phénomène d’action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaine ». Force est de constater que le Covid-19 entend rassembler de tels éléments constitutifs que soit l’affectation pathologique ou le phénomène d’action lente. C’est pourquoi, en notre sens, le terme de « maladie » est ici adapté.


Pour autant, en l’état du droit, la qualification en tant que telle de « maladie professionnelle » du Covid-19 est prématurée. Au sens strict du terme, cette notion est définie par l’article L. 461-1 2° alinéa du code de sécurité sociale en ces termes : « est présumé d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions officielles ». Or, à la différence d’autres agents pathogènes du tableau n° 76 relatif aux « maladies liées à un agent infectieux ou parasitaires contractées en milieu de soin », à l’instar des staphylocoques, entérobactéries, pneumocoques, streptocoques, méningocoques, fièvres hémorragiques (notamment Lassa et Ebola), le coronavirus, ou le Covid-19 dans sa forme actuelle, ne semblent pas s’insérer en tant que tel au sein des tableaux établis.


Toutefois, une intégration est possible, et plus que probable au vu de la dernière annonce du Premier Ministre lundi. En cela, il convient de rappeler que ces tableaux des maladies professionnelles, lesquels étaient précédemment établis par décret en Conseil d’Etat, le sont depuis l’ordonnance n° 2005-804 du 18 juillet 2005 et la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, par simples décrets et après l’avis du Conseil d’orientation des conditions de travail. Il appartiendra donc au pouvoir réglementaire d’initier cette intégration.


Cependant, pour l’heure, il serait préférable de parler de « maladie contractée en service » ou « d’origine professionnelle », et non de « maladie professionnelle ». S’il est commun de désigner par « maladie professionnelle » toute maladie, dès lors qu’elle a été contractée en service, la jurisprudence du Conseil d’Etat tend ainsi à bien marquer cette distinction. Aussi, il faut séparer trois catégories :

- les « maladies professionnelles » officielles entendues de celles inscrites aux tableaux et pour lesquelles l’agent remplit toutes les conditions posées ;

- les « maladies reconnues d’origine professionnelles » : il s’agit des maladies liées à l’exercice habituel d’un soignant, pour laquelle il ne remplit pas toutes les conditions posées par le tableau (3ème aliéna de l’article L. 461-1 susvisé), ou qui ne sont pas répertoriées dans un tableau mais qui entraînent le décès du soignant ou une incapacité permanente d’au moins 25 % (alinéa 4 de ce même article) ;

- Et, à défaut d’entrer dans l’une ou l’autre des présentes catégories, exceptionnellement, la maladie peut être celle contractée ou aggravé en service.


Loin d’être de la pure doctrine, ces différentes catégories juridiques conditionnement l’octroi de garanties, plus ou moins importantes pour l’agent public victime.


B) Le coronavirus, avantages et inconvénients de la qualification de maladie professionnelle


La reconnaissance de maladies professionnelles en cas de coronavirus ne peut que présenter un avantage pour les agents victimes, dès lors que cette seule qualification peut leur permettre l’octroi des plus amples garanties de protection. A ce stade, c’est-à-dire en l’absence d’inscription du coronavirus dans un quelconque tableau des maladies professionnelles, cela peut poser des difficultés à deux niveaux :

- d’une part, du fait de l’inapplication d’un régime de présomption légale ;

- et d’autre part, sur l’octroi des garanties statutaires.


En premier lieu, en vertu de l’article L. 461-1 2° précité, par renvoi du décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, le Conseil d’Etat semble avoir reconnu, après certaines hésitations, l’application de la présomption d’imputabilité au service au profit des fonctionnaires malades (CE, 10 mars 2006, Caisse des dépôts et consignations c/ Caccavelli, req. n° 267860 ; CE, 6 octobre 2011, Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat c/ Alloro, n° 343350), dès lors que deux conditions étaient réunies :

- la maladie doit être désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles ;

- et, la maladie doit avoir été dans les conditions mentionnées à ce tableau.


Par exemple, en cas de fièvres hémorragiques (type Ebola), la reconnaissance d’une présomption d'imputabilité nécessite « la mise en évidence du virus et/ou la présence d’anticorps spécifiques à taux significatif » et sous couvert de « tous travaux effectués par les personnels de soins et assimilés et autres personnels du service d’hospitalisation ». En conséquence, l’agent n’a pas à établir la preuve de l’imputabilité au service de son affection, c’est-à-dire, un lien direct entre la pathologie et l’activité de soins.


Or, tel n’est pas le cas pour les maladies contractées en service ou d’origine professionnelles, à l’instar du Covid-19 à ce jour. Entendons-le, cette absence de présomption ne saurait bloquer la reconnaissance d’imputabilité au service, mais peut la rendre plus complexe. Car, en pareil cas, il appartiendra à l’agent lui-même d’apporter la preuve de l’affection, ce qui présuppose un test réalisé, et un lien avec le service ou son travail habituel. Ce dernier point peut poser problème, quand l’agent infecté par le virus n’a pas été en contact direct ou avéré avec un patient détecté positif au Covid-19. Par exemple, une sage-femme hospitalière peut très bien se trouver infectée par une patiente asymptomatique au Covid-19, non détectée, dans sa prise en charge.


En second lieu, s’agissant des garanties statutaires offertes en cas de reconnaissance d’une maladie professionnelle figurent principalement :

- d’une part, le maintien de la rémunération à plein traitement et la prise en charge des soins ;

- et à terme, d’autre part, l’allocation temporaire d’invalidité laquelle entend réparer le préjudice résultant du dommage corporel qui est lié à la perte de la capacité de travail.


S’agissant des premières garanties, soulignons qu’il existe une première difficulté liée à l’inapplication du nouvel article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dans la fonction publique hospitalière - faute de la publication des décrets à la différence des deux autres fonctions publiques -, laquelle peut rendre plus ardue la reconnaissance de l’imputabilité au service.


L’article 21 bis précité prévoit en effet que : « Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (…) Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ».


Fort heureusement, des dispositions analogues étaient prévues au 2° de l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986. Les établissements, et tout particulièrement les gestionnaires RH, devront donc faire avec les notions existantes de « congé spécial », et non de CITIS (congé pour invalidité temporaire imputable au service). Les garanties seront en principe identiques, à savoir : maintien de la rémunération et prise en charge des soins par l’établissement.


Toutefois, encore faudrait-il que le processus de reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie soit également identique au sein de ces deux dispositifs. Tel n’est évidemment pas le cas. En effet, sous l’égide des dispositions de l’article 41 précité, pour lesquelles aucun renvoi n’était opéré au code de la sécurité sociale, le Conseil d’Etat estime que l’inscription au tableau d’une maladie ne permet pas d’invoquer une présomption d’imputabilité pour l’application du congé dit « spécial », et donc admettre l’octroi de la rémunération à 100 % et la prise en charge des soins (CE, 23 juillet 2012, Ministre du Budget, des comptes publics et de la Réforme de l’Etat c/ Mme Lami Hurier, req. n° 349726). Aussi, la preuve de l’imputabilité sera à la charge victime.


Or, le législateur par l’article 21 bis a entendu mettre un terme de cette divergence absurde quant à l’inapplication de la présomption légale en renvoyant clairement à l’article L. 461-1 du code de la sécurité, ainsi qu’en clarifiant les régimes de maladie en ces termes : « est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ».


Il résulte dès lors trois régimes possibles de maladie contractée en service :

- la « maladie professionnelle » officielle, avec une présomption légale d’imputabilité, lorsque l’agent public remplit l’ensemble des conditions posées par le tableau ;

- les maladies d’origine professionnelle, où la preuve du lien avec les fonctions doit être rapporté dès lors l’agent ne remplit que quelques conditions du tableau ;

- la maladie d’origine professionnelle également, qui n’est pas répertoriée dans le tableau mais qui entraîne un incapacité permanente.


En définitive, pour l’heure, force est de constater que, dans le cas présent du Covid-19, la reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie est rendue complexe et peu facilitée pour l’agent victime, en l’état, premièrement du fait de l’inapplication du CITIS à la fonction publique hospitalière, et deuxièmement du fait de l’absence d’inscription à un tableau des maladies professionnelles.


Concernant les autres garanties, notamment l’allocation temporaire d’invalidité (ci-après dénommée « ATI »), telle qu’il en résulte du décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, en l’absence d’inscription aux tableaux du coronavirus, et donc de présomption d’imputabilité, son octroi parait plus difficile à obtenir. En effet, il appartiendra à l’agent de rapporter la preuve de l’origine professionnelle de la maladie dans les conditions posées à l’alinéa 4 de de l’article L. 461-1 susvisé, c’est-à-dire, selon ces dispositions, la preuve d’une incapacité permanente d’au moins 25 %. Enfin pour ce qui est de la rente d’invalidité viagère si cette notion est octroyée indépendamment de la non-reconnaissance de la maladie d’origine professionnelle, encore faut-il que l’imputabilité au service soit avérée.


En résumé, il s’agit en quelque sorte d’un « jeu sans fin » dans lequel l’agent victime est toujours obligé d’apporter la preuve du lien avec le service quelles que soient les garanties sollicitées (maintien du traitement, prise en charge de soins, ATI, etc.). Naturellement, la reconnaissance du coronavirus comme maladie professionnelle « officielle » faciliterait grandement les choses en raison de la présomption légale d’imputabilité au service qu’elle engendrerait, mais elle ne résoudra pas l’inapplication du CITIS à la fonction publique hospitalière.


Il demeure que, devant l’urgence sanitaire nationale, le mécanisme le plus efficace à long terme serait de mettre en place un fond d’indemnisation national à l’image de l’ONIAM (office national d'indemnisation des accidents médicaux.) ou du CIVEN (comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires), solution apparemment d’ores-et-déjà envisagée par le gouvernement.

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