A l’occasion des « Assises des Outre-mer », le président de la République a présenté, le 28 juin 2018, à un parterre d'élus ultramarins et de responsables associatifs et économiques, ses projets et mesures pour chacun de ces territoires, parmi lesquels une réforme des congés bonifiés, et annoncé le lancement d'une concertation en ce mois d'avril 2019.
Pour rappel, congés bonifiés consistent en un régime particulier de congés auquel peuvent prétendre les magistrats ainsi que les fonctionnaires titulaires de la fonction publique de l’État (Décret n°53-511 du 21 mai 1953 fixant les modalités de remboursement des frais engagés par les personnels civils de l'État à l'occasion de leurs déplacements ; Décret n°78-399 du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'État), de la fonction publique hospitalière (article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; Décret n°87-482 du 1 juillet 1987 relatif aux congés bonifiés des fonctionnaires hospitaliers en service sur le territoire européen de la France, dont la résidence habituelle est dans un département d'outre-mer) et de la fonction publique territoriale (article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; Décret n°88-168 du 15 février 1988 pris pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 1° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale), dont la résidence habituelle se trouve au sein de l’un des départements d’outre-mer, à savoir en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, exerçant en métropole (Conseil d'État 23 juin 1997, req. n° 149041, Chamouillet c/ Conseil général La Réunion).
Afin de prétendre à l’octroi d'un congé bonifié, l’agent doit faire état d’une durée minimum de service de 36 mois, ininterrompue (Conseil d’État 6 février 1991, Ministre de l’éducation nationale c/ Mme Danilo, req. n°80352). Il est indifférent que l’agent exerce à temps partiel ou à temps plein.
L’agent doit également démontrer que son « lieu de résidence habituelle dans le département d’outre-mer où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels” (décret n° 78-399, 20 mars 1978, art. 3). Il doit ainsi apporter la preuve que son centre des intérêts moraux et matériels se trouve dans un département d’outre-mer.
Actuellement, l’agent qui se voit accorder un congé bonifié bénéfice de trois avantages :
La bonification de ses jours de congés : si les nécessités de service ne s’y opposent pas, le congé annuel de l’agent est augmenté d’une durée de 30 jours, dans la limite des 65 jours consécutifs (Décret n°78-399 du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'État).
La majoration de sa rémunération durant le congé : en sus de sa rémunération habituelle (traitement indiciaire, supplément familial de traitement et NBI éventuelle), l’agent se voit octroyer une « indemnité de cherté de la vie », qui varie entre 35 et 40% selon le département d’outre-mer concerné (Décret n°51-725 du 8 juin 1951 relatif au régime de rémunération et avantages accessoires des personnels de l'État en service dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion).
La prise en charge de ses frais de voyages : les frais de voyage de l’agent, de ses enfants à charge et de son conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité (Décret n° 2001-973 du 22 octobre 2001 modifiant le décret n° 53-511 du 21 mai 1953 relatif aux modalités de remboursement des frais engagés par les personnels civils de l'État à l'occasion de leurs déplacements) sont pris en charge par la collectivité et sont remboursés au fonctionnaire à hauteur de 50 % pour les DOM (Décret n°78-399 du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'État). Les frais de voyage sont limités aux frais de transport aérien entre la métropole et le territoire d’outre-mer. Les frais de transports à l’intérieur du DOM et en métropole ne sont en revanche pas pris en charge. Bien entendu, la prise en charge s’effectue sur la base du tarif de la classe la plus économique (Décret n°71-647 du 30 juillet 1971 fixant les conditions de prise en charge des frais de transport par la voie aérienne engagés par les personnels civils et militaires de l'État et de ses établissements publics ainsi que de certains organismes subventionnés en dehors du territoire métropolitain de la France).
Lors de la réunion interministérielle qui s’est tenue le 11 janvier dernier, les contours de ce projet de réforme ont été dévoilés :
Augmentation de la fréquence des congés, qui auront lieu tous les deux ans, au lieu de trois ;
Suppression des 30 jours de bonification qui venaient auparavant s’ajouter aux congés annuels de l’agent ;
Suppression du versement de la sur-rémunération (comprendre l’indemnité de cherté de la vie) ;
Suppression des congés bonifiés « inversés » (pour les métropolitains travaillant en DOM).
Très concrètement, au delà de retiré le droit à congé bonifié à tout un pan de ses bénéficiaires, le Gouvernement envisage de supprimer deux des trois avantages caractérisant le congé bonifié.
Au-delà de ces grandes lignes qui seront évoquées au cours de la concertation lancée ce mois d’avril 2019, il n’est pas encore connu si le Gouvernement décidait de remettre également à plat les conditions d’octroi des congés bonifiés.
Par ailleurs, le Gouvernement n’a pas non plus précisé, à ce stade, s’il entendait profiter de cette réforme pour modifier les conditions de prise en charge des frais de voyages des agents concernés par ces congés « pas vraiment bonifiés », ce qui n'est pas exclu, dès lors que l'essentiel de la réforme devrait intervenir par décret.
Il aurait au contraire été préférable que le Gouvernement travaille à une refonte et à une véritable unification des critères d'octroi des congés bonifiés, à travers une redéfinition des critères de définition du « centre des intérêts moraux et matériels », lesquels ont été définis par la jurisprudence du Conseil d’État et, plus tardivement, par une circulaire du 3 janvier 2007 sur les conditions d'attribution des congés bonifiés aux agents des trois fonctions publiques. Cette unification des critères d'octroi pour les agents des trois fonctions publiques figure de longue date parmi les demandes des syndicats.
Ainsi, plus qu’une réforme, nous assisterons probablement, d'ici le mois de juillet prochain, date de publication du décret et de sa circulaire d'application, à l’extinction du système des congés bonifiés, à un anéantissement de régime de congés qui ne dit pas son nom.