Dans un arrêt mentionné au Recueil Lebon, le Conseil d’État est venu préciser le régime de l’allocation temporaire d’invalidité et les modalités de calcul du taux d’incapacité permanente partielle, lorsque l’agent est atteint de plusieurs maladies distinctes (CE 12 juin 2024, req. n° 475044, mentionné aux tables du recueil Lebon).
Monsieur B., agent de maîtrise au sein du département du Var, a présenté auprès de son administration une demande tendant à l'octroi d'une allocation temporaire d'invalidité, après avoir contracté deux pathologies, à savoir une atteinte arthrosique des deux hanches, constatée en 2010 et une arthrose des vertèbres cervicales constatée en 2014.
Le rapport du médecin expert et l’avis rendu par la commission de réforme établissaient un taux d’invalidité de 10% pour chaque hanche, et à 8% le taux d’invalidité concernant l’atteinte du rachis cervical.
Pour demander l’octroi de l’allocation d’invalidité, Monsieur B. soutenait que les deux maladies dont il souffrait ne figurant pas au tableau des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente partielle nécessaire pour bénéficier de l’allocation temporaire d’invalidité était de 25 %, par lecture des articles L. 461-1 et R. 461-8 du code de la sécurité sociale, qui prévoient que :
« Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. »
« Le taux d'incapacité mentionné au septième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 %. »
Sur ces fondements, il soutenait pourvoir bénéficier de l’allocation temporaire d’invalidité, puisque le cumul des taux d’incapacité de ses deux maladies dépassait le taux fixé de 25%.
Cependant, considérant que le taux d’IPP de Monsieur B. n’atteignait pas le taux de 25% pour aucune des deux maladies déclarées par le requérant, la Caisse des dépôts et consignation (CDC) a rejeté la demande d’allocation.
Monsieur B. a alors saisi le tribunal administratif de Toulon.
La juridiction a fait droit à la requête de Monsieur B. en affirmant que la Caisse des dépôts aurait dû cumuler toutes les infirmités survenues durant la carrière de Madame B. au titre d’une maladie professionnelle, soit les 20% et les 8% d’IPP déterminés par les médecins saisis du dossier du requérant. Ainsi, le seuil de 25% était selon la juridiction bien atteint, permettant ainsi de lui faire bénéficier d’une allocation temporaire d’invalidité (Tribunal administratif de Toulon, 14 avril 2023, n° 2001257).
La Caisse des dépôts a alors saisi le Conseil d’État, qui est venu annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Toulon.
La haute juridiction administrative a tout d’abord rappelé qu’une allocation temporaire d’invalidité ne pouvait être attribuée qu’en cas de reconnaissance par l’administration d’une maladie professionnelle, que cette maladie soit prévue dans le tableau ou qu’elle soit hors tableau.
L'article 1er du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière prévoit en effet expressément que :
« L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % ; b) Soit de l'une des maladies d'origine professionnelle énumérées par les tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; c) Soit d'une maladie reconnue d'origine professionnelle dans les conditions mentionnées aux alinéas 3 et 4 de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale (...) »
De cette façon, un fonctionnaire atteint de deux maladies qui ne figurent pas sur les tableaux de maladies professionnelles, ne peut bénéficier de l’allocation temporaire d’invalidité au motif que la somme des taux d’incapacité permanente résultant de l’une et de l’autre excède 25 %, alors qu’aucune de ces maladies n’a été reconnue comme étant imputable au service, et qu’aucune de ces deux maladies ne bénéficie d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 % :
« 6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité, au titre d'une invalidité résultant de maladies ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, n'est pas subordonné à un taux minimum d'incapacité global dont serait affecté le demandeur, mais à la reconnaissance de l'origine professionnelle de l'une au moins de ces maladies, laquelle doit, en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, avoir provoqué un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 %, ce taux étant déterminé par application du barème indicatif mentionné à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
7. Pour reconnaître à M. A... le droit au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité à raison d'une invalidité résultant de deux maladies qui ne figuraient pas sur les tableaux des maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la somme des taux d'incapacité permanente résultant de l'une et de l'autre excédait 25 %. En statuant ainsi, alors qu'il était constant devant lui qu'aucune de ces deux maladies n'avait provoqué, à elle seule, un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 %, de sorte qu'elle ne pouvait être regardée comme étant d'origine professionnelle, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
(…)12. En second lieu, Il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit, ni la première ni la seconde des maladies contractées en service par M. A..., au titre desquelles il a demandé à bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité, n'a entraîné à elle seule une incapacité d'un taux au moins égal à 25%. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'aucune de ces deux maladies ne peut, par suite, être reconnue comme d'origine professionnelle au sens des dispositions citées aux points 3 à 5. L'allocation temporaire d'invalidité n'étant attribuée au fonctionnaire justifiant d'une invalidité permanente résultant d'une maladie que si celle-ci est d'origine professionnelle ou reconnue d'origine professionnelle, M. A... n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il attaque. »
Ainsi, dans son arrêt, le Conseil d’État a estimé que l’octroi du bénéficie d’une allocation temporaire d’invalidité était subordonné à la reconnaissance d’une maladie professionnelle, tout en indiquant qu’il n’est pas possible, dans le calcul du taux d’incapacité permanente partielle, de venir cumuler les taux de plusieurs maladies.
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