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  • Photo du rédacteurToufik Sadi

La motivation des décisions refusant la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un accident au prisme du secret médical

Dans cette affaire CE, 16 février 2024, req. n° 467533, Mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d'État a consacré l'inopérance du moyen tiré de l'irrégularité de la motivation d'une décision administrative portant refus d'imputabilité au service en ce qu'elle ferait mention d'éléments permettant d'en déduire la nature de la pathologie, en violation du secret médical.

En l'espèce, un agent de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a déclaré les 15 novembre et 3 décembre 2018 avoir été victime de deux accidents de service.

 

Le premier, survenu le 24 octobre 2018, résulterait d’un choc psychologique lié à la modification de la configuration de son espace de travail.

 

A la suite de ce premier événement, l’agent a exercé à deux reprises son droit de retrait et a ensuite été placée, à sa demande, puis d’office, en congé de maladie ordinaire. 

 

C’est alors qu’est survenu le second choc psychologique invoqué par l’agent, lorsqu’il lui est notifié, le 3 décembre 2018, son passage en demi-traitement à la suite de l’épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire à plein traitement.

 

L’agent a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de ces deux événements, qu’elle qualifie d’accidents de service.

 

En suivant les avis défavorables de la commission de réforme, la cheffe du département des ressources humaines de l’INSEE a rejeté ces demandes, par deux décisions du 15 mai 2019. 

 

Il s’agissait des décisions attaquées.

 

Dans un premier temps, le Conseil d’État a dû examiner la problématique de la régularité formelle de la motivation de la décision portant refus de reconnaissance de l’imputabilité au service, en tenant compte des exigences de protection des secrets protégés.

 

Se posait la question de savoir si la circonstance que la motivation d’un acte administratif méconnaîtrait un secret protégé par la loi est de nature à affecter la régularité formelle de cet acte ? 

 

Le Conseil d’État a jugé qu’il résulte des articles L. 211-2, L. 211-5, L. 211-6 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) ainsi que de l’article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (imposant le respect du secret professionnel désormais codifié à l’article L. 121-6 du code général de la fonction publique) que le refus de reconnaître l’imputabilité au service d’un accident est au nombre des décisions qui doivent être motivées.

 

Si le respect des règles relatives au secret médical ne peut avoir pour effet d'exonérer l’administration de l'obligation de motiver sa décision, dans des conditions de nature à permettre au juge de l’excès de pouvoir d’exercer son contrôle, elle ne peut divulguer des éléments couverts par le secret médical. Toutefois, la circonstance que la décision comporterait de tels éléments n’est pas, par elle-même, susceptible de l’entacher d’illégalité.

 

En effet, par cette décision, le Conseil d’État rappelle deux exigences qui s’imposent à l’administration à savoir la motivation des actes administratifs et le respect des secrets protégés par la loi. Pour le Conseil d’État, l’un n’empêche pas l’autre.

 

S’agissant de la motivation des actes administratifs, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune obligation générale de motivation (CE, 30 avril 1880, Harouel et Morin c/ Ministre de la guerre, p. 419), le code des relations entre le public et l’administration impose seulement la motivation des décisions individuelles défavorables, notamment les mesures de police, les sanctions, les décisions qui imposent des prescriptions, les refus d’autorisation ou encore les dérogations.

 

S’agissant du respect du secret, les agents publics sont soumis à l'obligation de secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Elle leur impose de ne pas divulguer les informations personnelles concernant les usagers dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions (art. L. 121-6 du code général de la fonction publique). La révélation de secrets professionnels, en dehors des cas où la loi l'impose ou l'autorise, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende. Or, le Conseil d’État rappelle que la protection du secret médical prévue par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique ne vise que les seuls professionnels de santé.

 

Aussi comme le rappelle le rapporteur public Nicolas LABRUNE :

« le respect des secrets protégés par la loi est une exigence qui s’impose à l’administration, il s’agit – sauf dans le cas où un texte spécifique en disposerait autrement – d’une règle de fond de l’action administrative, et pas d’une norme relative à la présentation matérielle des actes, dont la méconnaissance constituerait un vice de forme. »

 

En conséquence, pour le Conseil d’État, lorsqu’une décision administrative est suffisamment motivée et dès lors qu’aucun texte ne fait du respect des secrets une prescription formelle, alors les exigences formelles qui s’imposent à cette décision sont respectées, de sorte qu’aucun vice de forme ne saurait être caractérisé, quand bien même la motivation de cette décision violerait un secret.

 

Dans un second temps, le Conseil d’État a examiné le refus de l’imputabilité de l’accident au service qui prendrait naissance notamment par l’annonce d'une décision d'application du demi-traitement à l'issue d'une période de six mois en congé de maladie.

 

D’une part, la Haute juridiction rappelle la définition de l’accident de service : constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (définition issue de la décision CE, 6 février 2019, req. n° 415975, T. pp. 798-870).

 

Ainsi, pour qu’un événement soit qualifié d’accident de service, il faut tout d’abord qu’il puisse être regardé comme un accident, c’est-à-dire, un « événement soudain et violent » (CE, 27 septembre 2021, req. n° 440983, T. pp. 736-744).


Le Rapporteur public Marc PICHON DE VENDEUIL dans cette décision avait précisé que :

« (…) de manière générale, un tel entretien ne peut, à soi seul, constituer un accident de service car il s’agit, par définition, d’un « événement prévisible et normal dans la carrière professionnelle d’un agent public » (…). Le critère de l’action soudaine voire violente n’est certainement pas rempli a priori, même si, bien évidemment, un tel entretien peut devenir le cadre d’une action soudaine voire violente, que ce soit d’ailleurs sur le plan physique ou sur le plan psychologique. (…) Dès lors, il faut, nous semble-t-il, distinguer entre ce qui relève de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique et ce qui relève d’un comportement anormal. Sous cet angle, il nous paraît évident que des remarques, des critiques, des reproches et même des admonestations relèvent de la première catégorie et ne sauraient donc être assimilés à un accident de service, quand bien même l’agent ne s’y attendrait pas ou en concevrait du dépit ou de la colère, voire quelque blessure d’amour-propre. Pour être qualifié d’accident de service, il faut, à l’inverse, que l’entretien donne lieu à un comportement ou à des propos excédant les limites raisonnables d’exercice du pouvoir hiérarchique : les insultes et injures, les brimades, les humiliations, la maltraitance physique ou psychique au cours d’un entretien relèveraient assurément d’un tel cas de figure. »  

Dès lors, le Conseil d’État, confortant le raisonnement de la cour, a jugé que l'annonce par la hiérarchie d'un réagencement des postes de travail au sein d'un service et la notification à un agent de la décision d'application du demi-traitement à l'issue d'une période de six mois en congé de maladie ordinaire relèvent de l'exercice ordinaire du pouvoir hiérarchique ne sauraient être regardées comme des événements soudains et violents, susceptibles d'être qualifiés d'accident de service alors même qu'elles se rattachent au service.

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