Le Conseil d’État a rappelé, dans son arrêt du 25 juin 2024 (CE 25 juin 2024, req. n° 465466) les conditions permettant de justifier une décision de non-renouvellement d’un agent contractuel de la fonction publique.
Mme B, agent contractuel, a été recrutée par plusieurs contrats à durée déterminée (CDD) de différentes natures au sein du Syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Saint-Georges, Antignac, Clion, Mosnac et Saint-Grégoire en qualité de surveillante interclasse à compter de 2009.
Le SIVOS a finalement fait le choix de ne pas renouveler le contrat de travail de Madame B., prenant fin le 30 juin 2016, par une décision du 22 mars 2016.
Contre cette décision, Madame B. a tout d’abord réalisé un recours gracieux, sur laquelle le silence gardé par l’administration a fait naître une décision implicite de rejet.
Madame B. a alors saisi le tribunal administratif en annulation de ces décisions, et aux fins de condamnation du SIVOS en réparation des préjudices subis. Par un jugement n° 1701871 du 12 juin 2019, le tribunal administratif de Poitiers a fait le choix de rejeter sa demande, et par un arrêt n° 19BX03392 du 4 mai 2022, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé la décision de première instance.
Rappel du principe de sécurité juridique
En premier lieu, le Conseil d’État reprend dans son arrêt le principe de sécurité juridique posée dans la jurisprudence Czabaj (CE, 13 juillet 2016, req. n° 387763), aux termes de laquelle le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an.
Toutefois, la Haute juridiction administrative précise que cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la reconnaissance la responsabilité d'une personne publique, à savoir aux demandes indemnitaires présentées par un requérant en réparation de ses préjudices, dont les règles relatives à la prescription fixée à 4 ans, sont prévues par loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.
Dans ces circonstances, si le Conseil d’État écarte les conclusions à fin d’annulation présentées par Madame B. en raison de leur tardiveté, mais accepte de se prononcer sur les conclusions indemnitaires.
Sur l’impossibilité de requalifier les CDD en CDI
Madame B. a tout d’abord conclu des contrats ponctuels mais, sans discontinuité d’octobre 2009 à décembre 2014 avec le SIVOS, notamment pour réaliser de brèves missions de surveillance ou de remplacement temporaires d’agent spécialisé des écoles maternelles ou d’agent chargés de prestations de nettoyages de locaux conclus sur le fondement de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984.
Ce n’est qu’à compter du 31 décembre 2014 que Madame B. a été recrutée par un nouveau CDD d’un an sur le fondement du 1° de l'article 3 de la loi de 1984 précitée, puis par second CDD de six mois arrivant à terme le 30 juin 2016 sur le fondement de 5° de l'article 3-3 de la même loi pour assurer des fonctions d'assistance des enseignants et des enfants, de garderie et de ménage des locaux.
Dans ces circonstances, Madame B. n’était pas fondée à soutenir qu’elle bénéficiait de 2009 à 2014 d’un contrat à durée indéterminée, puisque le délai de 6 ans pour permettre la requalification d’un CDD en CDI n’était pas atteint, conformément aux dispositions de l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984.
Le Conseil d’État a en effet confirmé qu'
« il résulte des dispositions citées au point 2 qu'au 31 décembre 2014, Mme B... n'était engagée que sous le régime d'un contrat à durée déterminée. Elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'en concluant avec elle à cette date un nouveau contrat à durée déterminée, le SIVOS aurait commis une faute en mettant illégalement fin au contrat à durée indéterminée dont elle prétend qu'elle aurait été titulaire. »
Toutefois, contrairement à ce qu’avaient considéré les juges d’appel, le Conseil d’État a estimé que Madame B. avait bien, sans discontinuité depuis le mois d’octobre 2009, été placée sur un emploi permanent de surveillante interclasse du SIVOS, dont les contrats à durée déterminée avaient été tacitement renouvelés jusqu’en 2014, soit pendant plus de 3 ans.
De cette façon, s’appliquaient à la situation de Madame B. les dispositions de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale selon lequel :
« La notification de la décision finale doit être précédée d'un entretien lorsque le contrat est susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée ou lorsque la durée du contrat ou de l'ensemble des contrats conclus sur emploi permanent conformément à l'article L. 332-8 du code général de la fonction publique est supérieure ou égale à trois ans. »
Le Conseil d’État a donc considéré que la décision de refus de renouvellement était bien entachée d’un vice de procédure, Madame B. n’ayant pas fait l’objet d’un entretien conformément à l’article 38-1 précité.
Sur le non-renouvellement d’un contrat justifié dans l’intérêt du service
Il convient tout d’abord de rappeler le principe selon lequel un agent contractuel de la fonction publique ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement de son contrat (« un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci », CE, 23 février 2009, req. n° 304995, mentionné aux tables du recueil Lebon).
Toutefois, il est de jurisprudence constante que l’administration ne peut décider, au terme du contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l’intérêt du service (CE, 10 juillet 2015, req. n° 374157).
En application de cette jurisprudence, le juge administratif a par exemple pu considérer que des comportements inappropriés dans l’exercice des fonctions mettant à mal l’organisation du travail et le travail en équipe permettait de justifier une décision de non-renouvellement (CAA Bordeaux 7 mars 2019, req. n° 17BX00697).
Le Conseil d’État a adopté l’exacte même logique, en considérant que les absences prolongées de Madame B. pouvait être un motif légitime de préservation de l’intérêt du service justifiant le non-renouvellement de son contrat :
« Il résulte de l'instruction que la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme B... est justifiée par la circonstance que son absence prolongée entraînait une désorganisation du service. Un tel motif étant, contrairement à ce qu'elle soutient, tiré de l'intérêt du service, la même décision aurait pu légalement être prise par le SIVOS en suivant une procédure régulière. Mme B. ne peut, par suite, se prévaloir d'aucun préjudice en lien direct avec l'illégalité fautive relevée au point précédent. »
Dans ces circonstances, le Conseil d’État a fait le choix d’annuler l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’ayant pas reconnu le caractère permanent de l’emploi de Madame B. de 2009 à 2014, tout en maintenant le rejet des conclusions en annulation et en indemnisation présentées par Madame B.
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