Par un arrêt du 16 novembre 2023 (n° 20NC03776), la Cour administrative d'appel de Nancy est revenue sur la notion de fraude et sur l'absence d'obligation d'un candidat à un emploi contractuel d’informer son futur employeur public de sa qualité de fonctionnaire.
Dans cette affaire, une fonctionnaire territoriale titulaire du grade de rédacteur en chef avait été recrutée en 2016 par une commune sur un contrat à durée déterminée pour assurer les fonctions de responsable du service financier de la ville. Le 1er février 2019, son contrat a été renouvelé pour une durée de trois ans. Toutefois, le 29 mai 2019, la commune, apprenant que l’agente avait omis de les informer de sa qualité de fonctionnaire, a décidé de retirer son contrat et de mettre fin à ses fonctions.
Pour justifier le retrait de ce contrat, la commune se fondait sur les dispositions de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, qui offrent la possibilité à l’administration de retirer ou d’abroger à tout moment un acte administratif obtenu par fraude.
La cour devait donc répondre à la question suivante : l’agente avait-elle commis une fraude fondée sur un manquement à une obligation d’information sur sa qualité de fonctionnaire, susceptible de justifier le retrait de son contrat à durée déterminée ?
A cet égard, comme l’explique le rapporteur public Monsieur Stéphane HONYNCK, dans ses conclusions sous la décision rendu par le Conseil d’État le 30 décembre 2021 (req. n° 441863, précitée) :
« la fraude implique la réunion d’un élément objectif, tenant à ce que la demande adressée à l’administration ne correspond pas à la réalité et un élément subjectif tenant à la volonté de l’intéressé d’induire en erreur l’administration ».
Aussi, et en premier lieu, les juges d’appel ont rappelé que, de manière générale, lorsqu’un fonctionnaire n’a pas l’obligation d’informer de certains éléments la collectivité publique auprès de laquelle il postule, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n’en faisant pas état.
Sur ce point, et à titre d’exemple, le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de juger qu’un fonctionnaire n’a pas l’obligation d’informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d’une procédure de mutation de l’existence d’une enquête pénale le mettant en cause (CE, 30 décembre 2021, Mme C c/ commune de Linas, req. n° 441863).
Dans l’arrêt commenté en l’espèce, la cour administrative d’appel de Nancy a également précisé qu’un candidat n’avait aucune obligation « d’informer son futur employeur public de son statut de fonctionnaire lors de sa candidature à un emploi contractuel », dès lors qu’une telle obligation ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire.
En second lieu, l’arrêt relève qu’en l’espèce, il existait des « incertitudes » sur la situation administrative et statutaire de l’agente. Plus précisément, ces doutes pouvaient s’expliquer eu égard à la circonstance qu’elle n’était plus affectée sur aucun poste depuis plusieurs années et qu’en outre, les nombreux contentieux engagés par celle-ci contre d’autres collectivités publiques ont donné lieu à des décisions divergentes sur son statut.
Aussi, il semblerait que les juges d’appel se soient attachés à apprécier si l’un des éléments constitutifs de la fraude était réuni, en l’espèce, l’élément intentionnel.
Ici, non seulement l’agente n’avait aucune obligation de dévoiler son statut de fonctionnaire à son futur employeur mais elle n’a, en outre, pas volontairement trompé ce dernier.Aucune fraude ne pouvait donc être caractérisée.
En conséquence, la cour a jugé que la décision par laquelle la commune a retiré le contrat à durée déterminée de l’intéressée et l’a radiée des effectifs était illégale et devait être annulée.