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  • Photo du rédacteurMarie Cochereau

L’illégalité des « heures négatives »

 

En l’espèce, par une délibération du 18 décembre 2013, le bureau du conseil d’administration de ce SDIS a approuvé la modification du guide de gestion du temps de travail des personnels du SDIS de la Drôme à compter du 1er janvier 2014, afin de prévoir :


  • Que l’écart constaté en moins entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de travail de 1 583 heures auquel il est soumis était défalqué du compte épargne-temps de l’agent l’année suivante ;

  • Et, qu’en dehors du cas où il est fait usage de cette faculté, le même écart est reporté sur les obligations horaires de l’année suivante

 


Le syndicat Solidaire unitaire démocratique (SUD) des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération litigieuse, au motif qu’elle méconnaissait les règles régissant le temps de travail des agents publics.

 

Les premiers juges ont annulé la délibération en tant qu’elle approuve les dispositions prévoyant que l’écart négatif constaté entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de travail de 1 583 heures auquel il est tenu est défalqué du compte épargne-temps de l’agent l’année suivante et rejeté le surplus des conclusions de la demande du syndicat, décision confirmée par la Cour administrative d’appel de Lyon.

 

Sur le fondement des dispositions du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature, le Conseil d’État a rappelé que si des reports infra-annuels de déficits ou d’excédents horaires entre périodes de référence étaient permis, tel n’était cependant pas le cas d’une année à l’autre :

(les dispositions précitées) fixent pour le décompte du temps de travail un maximum annuel à respecter, sans préjudice des heures supplémentaires, quelle que soit l’organisation en cycles de travail. Dès lors, si elles permettent à l’autorité compétente de prévoir, dans les conditions fixées au troisième alinéa de l’article 6 du décret du 25 août 2000, des reports infra-annuels de déficits ou d’excédents horaires entre périodes de référence, elles font en revanche obstacle à ce que l’écart constaté entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de travail auquel il est soumis puisse avoir pour effet de modifier, par report, ses obligations horaires de l’année suivante. » 

 

Si le Conseil d’État a fondé son raisonnement sur le principe de l’annualisation du temps de travail, le refus de report des heures « négatives » d’une année à l’autre peut également reposer sur la circonstance, encore plus pragmatique, qu’il revient réglementairement à l’administration, et plus précisément au chef de service, de fixer les horaires de travail des agents, afin de s’assurer qu’ils remplissent l’ensemble de leurs obligations annuelles :

L'aménagement et la répartition des horaires de travail sont fixés par le chef d'établissement, après avis du comité social d'établissement ou du comité social et compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité des soins ou de la prise en charge des usagers, les dimanches, les jours fériés et la nuit. (article 8 du décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

 

C’est sur le fondement de ces dispositions que le tribunal administratif de Lyon a récemment censuré la décision du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse rejetant la demande d’une agente sollicitant que son décompte d’heures soit remis à zéro au 1er janvier de l’année 2022 :

Le chef d’établissement, qui arrête les horaires de travail s’imposant aux agents dans un tableau de service, ne peut, lorsqu’il fixe des horaires ne leur permettant pas de remplir leurs obligations horaires dans le cycle de travail, leur imposer de récupérer les heures ainsi perdues lors du cycle suivant, sauf circonstances exceptionnelles. (TA Lyon, 9e ch., 16 févr. 2024, n° 2206526)

 

S’il s’agit de la première fois que le Conseil d’État se prononce expressément sur le sujet, les juridictions du fond ont commencé à adopter cette solution depuis 2010.

 

Ainsi, par deux jugements des 25 mars 2010 et 7 juin 2012, le tribunal administratif de Dijon avait d’ores-et-déjà censuré les décisions de centres hospitaliers visant à retrancher des congés ou à reporter sur l’année suivante les heures non réalisées par l’agent :

Considérant que tant le principe de l’annualité du temps de travail que le principe de l’annualité des congés résultant des textes précités excluent le recours au procédé des congés par anticipation qui a pour effet de générer, pour l’agent, un compteur d'« heures négatives » ; (…) que le Centre hospitalier de Nevers a reporté l’exécution des 92 heures restant dues sur l’année 2005 ; qu’il ressort du bilan annuel de 2005 que Mme X a effectué, au titre de 2005, 1686 heures ; qu’il en est résulté un excédent de 104 heures ; que le Centre hospitalier de Nevers a retranché des congés non pris par la requérante à ce nombre d’heures ; que, toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire et en particulier les dispositions précitées de l’article 4 du décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 ne l’autorisaient à procéder ainsi ; que, dès lors, le moyen tiré de l’erreur de droit doit être accueilli ; (TA Dijon, 25 mars 2010, req. n° 0700960) 
qu’il résulte de ces dispositions que le principe de l’annualité des congés exclut le report des congés sur l’année suivante et que la durée annuelle de travail effectif ne doit pas être supérieure à 1 607 heures, sauf heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées ; (…) que le centre hospitalier en procédant au report des heures non effectuées d’une année sur l’autre, jusqu’en 2009 a nécessairement porté la durée annuelle de travail effectif de M. Z au-delà des 1 607 heures légales en méconnaissance des disposition précitées des décrets n° 2002-8 et 2002-9 susvisés ; (TA Dijon, 7 juin 2012, req. n° 1100619)

 

Longtemps, ces décisions sont restées isolées, avant que le sujet ne redevienne d’actualité ces trois dernières années du fait d’une pratique de certains SDIS et établissements publics de santé :

7. Il résulte de ces dispositions que le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de 1 607 heures au maximum et que le principe d’annualisation du temps de travail exclut la possibilité de reporter les heures non effectuées au sein de cycles de travail au-delà de l’année suivante, de manière illimitée dans le temps. (…) Le directeur de l’EHPAD a entendu reporter l’exécution des heures non travaillées par Mme A… par rapport au volume annuel de 1 607 heures exigible, au titre des années 2016, 2017 et 2018 dites « heures négatives », sur son compte annuel de travail de l’année 2019 (…) C’est ainsi à bon droit que les premiers juges ont annulé les décisions refusant de supprimer le solde d’heures négatives accumulées au cours des années 2016, 2017 et 2018, du compte annuel de travail de l’année 2019 de Mme A…. (CAA Douai, 2e ch., 22 mars 2022, n° 21DA00033)

4. Il ressort des pièces du dossier que, au cours des années 2014 à 2019, Mme B était positionnée sur un cycle de nuit, à raison de 32,45 heures par semaine. Elle soutient en outre, sans être contredite, que, au cours de ces mêmes années, son temps de travail n’a pu atteindre la durée légale de travail annuel de 1607 heures en raison des nombreuses fermetures du service dans lequel elle était affectée (l’unité de chirurgie réparatrice esthétique – chirurgie de la main). Le CHU a entendu reporter l’exécution des heures non travaillées par Mme B par rapport au volume annuel de 1607 heures exigible, au titre des années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, sur son compte annuel de travail de l’année 2019. Toutefois, en procédant ainsi au report de l’ensemble des « heures négatives » sur la période de cinq années, au-delà d’une durée d’une année, l’administration a méconnu le principe du décompte annuel du temps de travail qui implique que le report des heures non effectuées au sein de cycles de travail se fasse sur une durée qui n’excède pas un an. 5. Il résulte de ce qui précède que la décision du CHU refusant de faire droit à la demande de Mme B tendant à la suppression de son solde d'« heures négatives » doit être annulée. (TA Nice, 3e ch., 24 mai 2023, req. n° 2001355)

 

En pratique, cette décision a pour conséquence de contraindre les établissements à anticiper ou pallier des éventuelles fermetures de services ou ralentissements d’activité, sans avoir recours à la modulation du temps de travail des agents, qui se retrouveraient avec une « dette » de temps de travail.

 

 

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