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Covid-19, organisation des effectifs, réquisition et obligation d'exercer ses fonctions

Dernière mise à jour : 26 nov. 2020

Face à la crise sanitaire que vit actuellement la France, les pouvoirs publics s’organisent pour maintenir la continuité de tous les services publics, et plus particulièrement de ceux liés à la santé, soumis tant à l’afflux de malades qu’au manque potentiel de personnel.

C’est dans ce cadre qu’on a pu voir fleurir çà et là le terme de « réquisition », et pas uniquement dans le secteur de la santé.

La réquisition est un régime exceptionnel, mis en place historiquement par la loi du 11 juillet 1938 et l'ordonnance n° 147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. Elle a été essentiellement par la suite utilisée en temps de grève, sur un fondement jurisprudentiel, en cas d’atteinte « suffisamment grave » à la continuité du service public (CE Sect., 24 février 1961, Isnardon, Rec. p. 150).

Néanmoins, la réquisition d’agents publics est également un moyen d’assurer la continuité du service public, hors cas de grève. Mise en place par quelques rares autorités, en circonstances exceptionnelles, elle ne permet pas pour autant permettre de bouleverser les fonctions exercées par les agents.

D’autres modalités de mobilisation des agents publics restent par ailleurs possibles, ces derniers restants, hors réquisition, à disposition de leur administration dans les limites des compétences dévolues à leur grade.

Les différents régimes de réquisition

Outre le régime général jurisprudentiel de réquisition, essentiellement applicable aux cas de grève, et les régimes propres aux armées (livre II de la partie 2 du code de la défense) ou aux services de sécurité civile (articles L. 742-12 du code de la sécurité intérieure), la réquisition des agents publics est régie :

· Pour le secteur de la santé, par les articles L. 3131-8 et suivants du code de la santé publique ;

· Pour les autres secteurs, par l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

Pour le secteur de la santé publique, la réquisition de « biens et services » est possible « si l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie ». Elle concerne à la fois « tout établissement de santé ou établissement médico-social », mais également « tout professionnel de santé, quel que soit son mode d'exercice. », incluant ainsi les réquisitions de professionnels libéraux, dans des professions réglementées telles que les médecins, les infirmières ou les sages-femmes.

Pour les autres secteurs, la réquisition de « tout bien ou service » et de « toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien » est prévue « en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police. »

Il est certain que la crise sanitaire actuelle entre dans le champ d’application de la réquisition prévue par le code de la santé publique, pour tous les personnels des établissements de santé. Cela paraît toutefois être beaucoup moins le cas pour les collectivités territoriales et leurs établissements public (à l’exception des EHPAD, subissant eux les mêmes contraintes et urgences que le secteur de la santé).

C’est ce qu’a prévu l’article 12-1 du décret 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, prévoyant que chaque préfet peut ordonner des mesures de réquisitions individuelles ou collectives pour assurer la continuité des établissements de santé dans le cadre de la pandémie de Covid-19 (évitant ainsi toute difficulté d’interprétation liée à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales qui vise lui la « salubrité publique » et non la santé publique).

Ont ainsi été réquisitionnés, dans ce cadre, depuis le début de la crise sanitaire, des médecins et infirmiers, qu’ils soient libéraux, salariés, remplaçants mais aussi en formation ou même retraités.

En revanche, à notre connaissance, seuls de rares arrêtés de réquisitions ont été pris dans le cadre de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales depuis le début de la pandémie de Covid-19.

On trouve ainsi par exemple la réquisition, par arrêté du Préfet de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin du 19 mars dernier, d’une crèche privée en vue d’accueillir les enfants de soignants.

Les autorités pouvant mettre en place une réquisition

Seul le préfet, et dans le cadre de crises sanitaires, le Premier ministre ou les préfets de zone (art. L. 3131-9 du code de la santé publique), peuvent décider de mesures de réquisition.

Ainsi, il n’appartient pas aux exécutifs locaux (maires, présidents de départements, régions ou intercommunalités) ni aux directeurs d’établissements de santé ou médico-sociaux de décider de mesures de réquisition de leurs propres personnels.

Les modalités d’organisation de la réquisition

Un arrêté prévoyant la réquisition est communiqué à la (ou aux) personne(s) concernée(s), le cas échéant.

S’il est évident que l’agent malade ne peut être réquisitionné, l’agent placé en congé annuel pourrait se voir contraint à revenir en service dans le cadre d’une réquisition. Dans cette hypothèse, il est indemnisé des éventuels frais engagés du fait de cette interruption de congés (CE Ass., 9 décembre 1966, req. n° 59687).

Le service ou la personne réquisitionnée est soumis à l’organisation exceptionnelle prévue par l’autorité ayant procédé à la réquisition. S’il s’agit d’un service entier, ce sont les règles habituelles de fonctionnement dudit service qui sont applicables.

Ainsi, sauf mesure particulière prise pour l’organisation du service (notamment une réorganisation du temps de travail), l’agent ou la personne réquisitionné continue d’exercer ses missions dans le cadre des règles établies par son établissement employeur. Les personnes réquisitionnées dans un établissement mais n’en faisant pas initialement partie appliquent quant à elles les instructions de l’établissement.

Il faut noter que dans cette hypothèse, est mise en place une indemnisation particulière des personnes réquisitionnées qui ne seraient pas déjà agent des structures concernées. C’est un arrêté du 28 mars 2020 qui prévoit ces modalités à ce jour dans le cadre du Covid-19.

Les sanctions en cas de non-respect des réquisitions

Contrairement aux manquements aux obligations statutaires de la fonction publique entraînant des sanctions disciplinaires, le refus de se soumettre à une mesure de réquisition est sanctionné par une peine de six mois d’emprisonnement et 10.000 euros d’amende.

La réquisition sur les seules fonctions exercées

Les régimes de réquisitions ne dérogent absolument pas à la règle selon laquelle l’emploi d’un agent doit correspondre à son grade (art. 12 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) pas plus qu’aux contrats de recrutement des contractuels de droit public.

La réquisition s’effectue ainsi sur les fonctions habituellement exercées par l’agent. Ainsi, aucun agent ne saurait être réquisitionné sur un emploi différent que celui qu’il occupe en temps normal : un adjoint administratif ne saurait donc exercer des missions relevant des corps ou cadres d’emplois du milieu sanitaire et social.

L’obligation d’exercer ses missions même en l’absence de réquisition

Des mesures ont certes été mises en place afin de permettre le télétravail dans la fonction publique durant cette période exceptionnelle. La période actuelle ne saurait pour autant exonérer les agents publics des obligations d’exercer leurs missions.

Par ailleurs, lorsque les missions ne peuvent être exercées en télétravail et ne sont pas indispensables au maintien d’un service minimum, l’agent peut être placé en autorisation spéciale d’absence.

En revanche, les employeurs publics peuvent décider que les fonctions exercées par un agent sont indispensables à la continuité du service et ne peuvent s’effectuer dans le cadre d’un télétravail. Dans cette hypothèse, l’employeur public n’a pas à réquisitionner ses agents : même en période exceptionnelle de pandémie, il appartient à chaque agent d’exercer ses missions dans les conditions définies par son administration.

La réorganisation par le changement d’affectation ou la mutation

Il reste qu’il est possible pour les employeurs publics, en dehors des mesures de réquisition, de réorganiser leurs services dans ces périodes difficiles afin de réaffecter au mieux les effectifs. En effet, si le fonctionnaire est titulaire d’un grade qui lui donne vocation à exercer un emploi qui correspond aux missions de ce dernier, c’est à l’administration qu’il appartient de procéder aux mouvements des agents publics sur les différents emplois.

Notons que depuis la loi n° 2019-828 de transformation de la fonction publique, les commissions administratives paritaires n’ont plus à être saisies préalablement à ces mesures. Il reste que cette mutation interne doit s’effectuer sur un emploi vacant.

Les employeurs publics peuvent ainsi tout à fait, moyennant création de postes, venir renforcer, même de manière temporaire, les effectifs de certains services avec des agents dont le grade permet d’exercer les fonctions en tension en période de pandémie.

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