L’affaire commentée (CE, 26 janvier 2021, Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 430790), s’inscrit dans une saga contentieuse, opposant un fonctionnaire d’État à son administration.
L’intéressé, technicien supérieur des études et de l’exploitation de l’aviation civile, a rencontré des problèmes de santé, oscillant entre périodes de congé de longue durée et mi-temps thérapeutiques. Par une décision du ministre de l’écologie du 19 décembre 2013, l’agent a été placé de manière rétroactive en disponibilité d’office à partir du 11 août 2013. Le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 30 juin 2015 a, d’une part, annulé la décision et, d’autre part, enjoint à l’administration de réexaminer la situation du requérant.
Subséquemment, le comité médical ministériel a conclu à l’inaptitude de l’agent à la reprise de ses fonctions par un avis du 16 octobre 2015. Ce dernier a alors saisi le comité médical supérieur afin que sa situation soit réexaminée. Dans cette attente, par un arrêté du 12 mars 2019, le ministre l’a placé rétroactivement en disponibilité d’office à compter du 11 août 2013 et ce, sans saisir la commission de réforme.
L’ agent a contesté une nouvelle fois cette décision, laquelle a d’abord été confirmée devant le tribunal administratif de Paris, puis annulée par la cour administrative d’appel de Paris, au motif que la commission de réforme alors compétente n’avait pas été saisie. Le ministre s’est donc pourvu en cassation contre l’arrêt rendu en appel.
Il appartenait donc au Conseil d’État de juger si une décision provisoire de placement d’office en disponibilité doit être précédée de l’avis de la commission de réforme, quand bien même l’avis du comité médical supérieur n’a pas encore pas été rendu.
Rappelons, à titre liminaire, qu’à l’issue d’un congé de longue durée, le comité médical est saisi s’agissant de l’aptitude ou non de l’agent à reprendre son service. En cas d’inaptitude présumée, selon les situations, le comité médical ou la commission de réforme prononce un reclassement dans un autre emploi, une mise en disponibilité, ou une admission à la retraite.
Dans sa décision le Conseil d’État a, par ailleurs, rappelé que :
D’une part, en cas de contestation de l’avis médical, il revient à l’employeur de prendre une décision provisoire dans l’attente de l’avis définitif. Cette décision prend la forme d’une mise en disponibilité d’office, dès lors que l’agent a épuisé ses droits à congé. Cette décision est, le cas échéant, susceptible de régularisation. En cela, le juge fait une stricte application de sa jurisprudence (CE, 13 février 2004, M. S..., req. n° 249049 ; 24 février 2006, Commune de Lapradelle Puilaurens, req. n° 266642 ; 28 novembre 2014, Mme P..., req. n° 363917).
D’autre part, en vertu l’article 48 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, la commission de réforme est consultée « lorsque le congé antérieur a été accordé en vertu du deuxième alinéa de l'article 34 (2°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée », c’est-à-dire en cas de maladie imputable au service. De plus, le renouvellement de la mise en disponibilité d’office (renouvelable deux fois) est prononcé après avis du comité médical, sauf pour le dernier renouvellement soumis à la commission de réforme. Cela s’explique par les conséquences attachées à ce dernier renouvellement puisque l’agent est soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié.
Or, en l’espèce, la décision contestée de placement en disponibilité, qui normalement se prononce pour une période d’un an, venait régulariser la situation de l’agent, en faisant débuter la mise en disponibilité au 11 août 2013. Elle s’analysait a priori, au regard de l’article 48 précité, comme la première décision de mise en disponibilité (qui n’avait pas besoin de l’avis préalable de la commission réforme en ce que la maladie de l’agent n’est pas imputable au servie), mais également comme le dernier renouvellement de celle-ci (nécessitant cette fois l’avis de l’instance). Les conclusions du rapporteur public sur l’affaire confirment cette analyse et sont particulièrement éclairantes sur ce point (voir les conclusions de M. Laurent CYTERMANN, rapporteur public sous la décision CE, req. n°430790).
Toutefois, le Conseil d’État a estimé que le caractère provisoire de l’avis du comité médical ne permettait pas à l’administration d’en tirer les conséquences et de saisir la commission de réforme afin qu’elle se prononce, notamment, sur la mise en disponibilité définitive. Dès lors, il revenait bien à l’administration de prononcer une mesure provisoire de mise en disponibilité, susceptible de réformation au regard de la décision du comité médical supérieur à venir.
Par conséquent, sans une déclaration d’inaptitude définitive, il n’y a pas lieu de consulter la commission de réforme sur un placement en disponibilité d’office provisoire. C’est l’erreur commise par la cour d’appel de Paris, qui s’est attachée à y voir une décision définitive et qui a valu la cassation de son arrêt pour erreur de droit.