Dans le prolongement de l’ouverture de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a logiquement autorisé les établissements publics de santé à déplafonner les heures supplémentaires pour les personnels nécessaires à la prise en charge des patients dans le contexte du covid-19, mais pas que …
Il convient de rappeler que, selon l’article 15 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, par définition, les heures supplémentaires s’entendent comme des heures effectuées « en dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail ».
Dans sa version en vigueur jusqu’à maintenant, il résultait de cet article que les heures supplémentaires étaient assujetties à des plafonds :
- Tout d’abord, un plafond annuel : celui-ci était annuellement fixé à 180 heures par an pour les personnels de ces établissements publics de santé, à l’exception des « infirmiers spécialisés, les cadres de santé infirmiers, les sages-femmes, les sages-femmes cadres de santé, personnels d'encadrement technique et ouvrier, manipulateurs d'électroradiologie médicale » pour lesquels il était poussé à 220 heures par an.
- Toutefois, lorsque le cycle de travail est inférieur ou égal à un mois, le nombre d'heures supplémentaires susceptibles d'être effectué par mois et par agent ne peut excéder 15 heures. Ce plafond est fixé à 18 heures pour les catégories de personnels suivantes : infirmiers spécialisés, cadres de santé infirmiers, sages-femmes, sages-femmes cadres de santé, personnels d'encadrement technique et ouvrier, manipulateurs d'électroradiologie médicale. « Lorsque la durée du cycle de travail est supérieure à un mois, ce plafond est déterminé en divisant le nombre d'heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées dans l'année par 52 et en multipliant ce résultat par le nombre de semaines que compte la durée du cycle de travail. »
Initialement, une exception existait d’ores-et-déjà afin de permettre un dépassement de ces plafonds en cas de crise sanitaire. Tel que le prévoyait l’alinéa 3 de l’article 15 précité, les établissements publics de santé pouvaient être autorisés, « par décision du ministre de la santé, à titre exceptionnel, pour une durée limitée et pour les personnels nécessaires à la prise en charge des patients, à dépasser les bornes horaires fixées par les cycles. »
C’est ainsi que, dans un premier temps, la décision du Ministre de la santé du 5 mars 2020 portant application de l’article 15 aliéna 3 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 prévoyait que, pour faire face à l’épidémie de Covid-19, les établissements publics de santé étaient autorisés, à titre exceptionnel, pour la période du 1er février au 30 juin 2020 à recourir, de façon transitoire aux heures supplémentaires au-delà des plafonds fixés à l’article 15 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 précité.
Toutefois, par le décret n° 2020-297 du 24 mars 2020 relatif aux heures supplémentaires et à leur dépassement dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, le gouvernement a très largement assoupli les conditions de ce régime d’exception, de sorte qu’il pourrait être généralisé, par décision locale, bien au-delà d’éventuelles crises sanitaires.
Il prévoit que désormais :
- Premièrement, le plafond annuel est fixé à 240 heures par agent, et ce sans distinction de corps et de grade ;
- Deuxièmement, dans le cadre d’un cycle inférieur ou égal à un mois, « le nombre d'heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées par mois et par agent ne peut excéder 20 heures », là encore sans distinction de corps et de grade ;
- Troisièmement, « les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée peuvent être autorisés, par décision du directeur général de l'agence régionale de santé pour les établissements mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 5° de l'article 2 de cette loi, ou du préfet du département pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° du même article, à titre exceptionnel, notamment au regard des impératifs de continuité du service public ou de la situation sanitaire, à dépasser les bornes horaires fixées par le cycle de travail, pour une durée limitée et pour les personnels nécessaires à la prise en charge des usagers ».
Sous couvert de l’épidémie de Covid-19, force est de constater que le gouvernement ne se contente pas d’activer des exceptions transitoires, mais se permet de modifier subrepticement la teneur des textes pour l’avenir, ici avec la possibilité de déroger aux plafonds des heures supplémentaires au-delà des crises sanitaires.
Face à la pénurie de personnel dont souffrent déjà les établissements publics de santé dans certaines zones géographiques, et les contraintes liées à l’objectif national des dépenses d’assurances maladie (« ONDAM »), on peut être dubitatif quant au succès à moyen terme de la maxime : « travailler plus, pour gagner plus », si le prix pour le personnel hospitalier en est : perte de la qualité de vie au travail, risques psycho-sociaux, troubles musculo- squelettiques (« TMS »)…
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