Dans un arrêt du 13 avril 2018, objet du présent commentaire, le Conseil d’Etat s’est penché sur cette intéressante question (CE, 13 avril 2018, Commune de Gennevilliers, req. n° 410411). Ainsi dans l’hypothèse d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, l’administration se devra d’apprécier l’aptitude du fonctionnaire au regard des fonctions dans lesquelles il a été nommé, et ce tant que la nomination n’a pas été annulée.
En l’espèce, Mme A..., attachée principale de la fonction publique territoriale, avait exercé au sein de la commune de Gennevilliers successivement les fonctions de directrice des ressources humaines, puis de chargée de mission des politiques contractuelles en matière de ressources humaines, et enfin à compter du 12 avril 2010 de chargée de la veille documentaire des modes de financement et de l'observatoire des subventions. Par un arrêté du 21 février 2012, le maire de la commune de Gennevilliers l'a licenciée pour insuffisance professionnelle dans l'exercice de ses fonctions. Or la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ledit arrêté. Aussi, la commune de Gennevilliers se pourvoit en cassation, et obtient gain de cause. Le Conseil d’Etat infirma la décision rendue par les juges d’appel.
En premier lieu, dans son considérant de principe, la haute juridiction administrative a pris soin de préciser ce qu’il faut entendre par l’insuffisance professionnelle. C’est ainsi que « le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un fonctionnaire ne peut être fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions ; que, toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées ; que, par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement ».
Au-delà de la question essentielle, objet du titre du présent commentaire, il convient d’exposer que l’apport de ce considérant est, en l’espèce, non négligeable :
Soulignons que l’inaptitude professionnelle est parfois à la frontière du disciplinaire. L’insuffisance professionnelle est ici clairement différenciée de la simple carence, qui est quant à elle ponctuelle et pour laquelle un agent pourra se voir infliger une sanction disciplinaire ;
En outre, l’insuffisance s’apprécie à un moment donné, et non au cours de la carrière. Rappelons que tout fonctionnaire est censé occuper plusieurs postes correspondant à son grade. Ainsi, il n’est pas nécessaire que l’insuffisance ait été précédemment constatée sur d’autres fonctions ou que l’agent est fait l’objet de rappels à l’ordre, pourvu que l’agent ait été évalué dans ses fonctions actuellement occupées pendant une durée suffisamment longue.
En second lieu, ce qui est l’intérêt essentiel de cet arrêt, le Conseil d’Etat pose le principe de l’apprécier des fonctions nonobstant le caractère susceptible d’illégalité de la nomination, avec cependant un tempérament. « Un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu'il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée ; que son aptitude à exercer normalement ses fonctions peut être appréciée au regard de fonctions auxquelles il a été irrégulièrement nommé, sauf si ces dernières ne correspondent pas à celles pour lesquelles il a été engagé ou à celles de son grade ».
En ce tempérament, le Conseil d’Etat entend préserver la jurisprudence acquise selon laquelle un agent ne peut être licencié pour insuffisance professionnelle sur la base de fonctions ne correspondant pas à son grade ou à l’emploi de recrutement (CE, 19 janvier 1979, Rec. 21 ; CE, 17 février 1993, req. n° 01PA02574). En somme, le motif d’annulation de la nomination doit ici se cantonner à de simples illégalités externes, comme en l’espèce un vice de procédure, ce qui réduit la portée de cet arrêt.